Logement étudiant à Rennes : l’offre s’étoffe mais la crise perdure

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Avatar de l'auteur "Hervé KOFFEL" Hervé Koffel

le 15 avril 2025

[ mis à jour le 15 avril 2025 ]

SOMMAIRE

Chaque année, des milliers d’étudiants posent leurs valises à Rennes, attirés par la richesse de son offre universitaire, la vivacité de sa vie culturelle, et la qualité de son cadre de vie. Mais derrière cette attractivité, une réalité bien moins reluisante persiste : celle de la précarité et de la galère pour se loger. Avec des loyers qui grimpent, une pénurie chronique de logements accessibles, et un parc social saturé, se loger à Rennes relève parfois du parcours du combattant pour les jeunes.

Le constat est loin d’être isolé. À l’échelle nationale, la situation est alarmante : selon les derniers chiffres, la France ne dispose que de 380 000 places en résidence étudiante pour un total de 2,7 millions d’étudiants. À Rennes, cette tension se ressent fortement, d’autant que la ville fait face à une pression immobilière accrue, entre rareté du foncier et hausse constante des prix.

Pourtant, face à cette crise, la ville ne reste pas les bras croisés et les initiatives se multiplient. Résidences innovantes, réhabilitation de bâtiments anciens, projets d’envergure ou solutions alternatives comme le coliving : de nouveaux logements à Rennes voient le jour. Mais ces efforts, aussi louables soient-ils, peinent à contenir une demande toujours plus forte et des besoins de plus en plus urgents.

Ce paradoxe – l'augmentation de l’offre qui ne suffit pas à endiguer la crise – est au cœur des dynamiques actuelles du logement étudiant à Rennes. Loin d’un simple enjeu d’urbanisme, il soulève des questions sociales, économiques et politiques importantes, touchant directement à l’égalité des chances dans l’accès aux études.

Une offre en expansion : des projets ambitieux et diversifiés

Face à la crise du logement étudiant, Rennes voit émerger de nombreux projets censés renforcer l’offre disponible. Ces initiatives, portées par des acteurs très variés – religieux, publics, privés ou innovants – reflètent une volonté réelle d’apporter des solutions. Mais si la quantité progresse, l’accessibilité et la rapidité de mise en œuvre restent des problématiques capitales.

Investir en résidence étudiante à Rennes

Des résidences innovantes, entre confort et spiritualité

Pas banal, le Campus Frassati fait partie des projets récents qui sortent du lot : C’est une résidence catholique flambant neuve située rue de l’Hôtel-Dieu, à deux pas du centre historique. Portée par le diocèse de Rennes, cette résidence de 94 logements – dont 80 studios meublés, des colocations pour deux à cinq personnes, et des unités accessibles aux personnes à mobilité réduite – entend proposer un cadre de vie haut de gamme. Avec un investissement de 13 millions d’euros, dont un tiers financé sur fonds propres, le diocèse signe un projet aussi ambitieux que singulier.

Entièrement meublés jusqu’à la petite cuillère , selon le directeur du campus Bertrand Allaire, ces logements sont dotés de kitchenettes équipées, de salles de bain privatives, de visiophones et de la connexion Wi-Fi. Le tout dans un environnement soigné, incluant 800 m² d’espaces communs : salles d’étude, salle à manger, cuisine collective, salle de réunion et bien sûr, nature de la résidence oblige, une chapelle consacrée à Saint Jean-Paul II.

logement étudiant rennes crise – la résidence Campus Frassati
(c) campusfrassati.bzh

Le prix reflète ce niveau de confort : 650 € charges comprises pour un studio de 23 m², avec en option un service de ménage et de literie. Ce tarif, bien que supérieur à la moyenne, semble justifié par les équipements et la situation géographique. Mais l’accessibilité reste très relative, notamment pour les étudiants aux ressources modestes.

Autre spécificité : l’orientation pastorale du lieu. Bien que l’accueil soit ouvert à tous, chaque futur résident doit passer un entretien et rédiger une lettre de motivation attestant de sa compatibilité avec le projet communautaire et spirituel du foyer. Des groupes de dix étudiants seront animés par des « missionnaires » (étudiants en master) pour vivre des temps de fraternité, d’engagement solidaire et de partage.

Des résidences publiques modernisées

Si les initiatives privées occupent une part croissante du paysage immobilier étudiant, le secteur public reste un acteur central à Rennes, notamment à travers les actions du Crous de Bretagne, qui gère environ 5 500 logements étudiants dans la métropole.

L’un des projets notables en cours est celui de la résidence universitaire Saint-Hélier, située en plein centre-ville, face au Théâtre national de Bretagne. Ce bâtiment emblématique, vidé de ses résidents à l’été 2024, s’apprête à connaître une transformation de fond en comble.

Le projet prévoit de passer de 76 à 98 logements étudiants, soit une augmentation importante de capacité (quasiment +30%). Pour ce faire, les anciennes cuisines collectives seront supprimées, au profit de logements individuels entièrement équipés. Ces travaux, confiés au cabinet d’architecture Nicolas et Le Hen, incluent également des améliorations en matière d’accessibilité, d’isolation thermique et acoustique, afin d’offrir un meilleur confort aux étudiants, notamment ceux à mobilité réduite.

La cour intérieure de la résidence va également être réaménagée. Le second bâtiment, actuellement inutilisable car situé en zone inondable, sera détruit. À sa place, un jardin paysager et des locaux à vélos viendront enrichir le cadre de vie des futurs occupants. Le chantier, d’un montant estimé à 6,5 millions d’euros, est financé conjointement par l’État, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) et Rennes Métropole. Les travaux débuteront avant l’été 2025 et devraient durer 17 mois.

Des projets d’envergure mais sous tension

À l’autre extrémité du spectre des propositions, on trouve des projets privés d’envergure, parfois freinés par les réalités économiques. C’est le cas du programme Constellation, situé au nord de Rennes, à proximité immédiate de la Rennes School of Business. Imaginé en 2022 par le groupe immobilier Réalités, ce projet ambitieux prévoit la construction de 520 logements étudiants répartis en sept bâtiments, pour une surface unitaire comprise entre 17 et 20 m².

Un programme immobilier original du fait de sa méthode de construction peu commune : une grande partie des unités est conçue à partir de modules en bois préfabriqués, produits dans l’usine Mayers située à la Janais, au sud de Rennes. Présenté comme la plus grande opération de construction hors site en France, Constellation veut conjuguer rapidité, durabilité et efficacité énergétique.

logement étudiant rennes crise – la résidence Constellation
(c) Réalités

Mais en pratique, le chantier a subi de plein fouet la crise de la construction neuve. Face à l’effondrement des ventes et au gel de nombreux programmes, Réalités a vu ses finances se dégrader. En 2024, plusieurs de ses filiales, dont Mayers, ont été placées en redressement judiciaire, entraînant l’arrêt du chantier entre fin 2024 et février 2025. Ce n’est qu’après une phase de renégociation de dettes et de recherche de financements que les travaux ont pu reprendre.

Initialement attendue pour septembre 2024, la livraison a été repoussée à septembre 2026. D’ici là, les travaux de voirie, de réseaux et d’aménagement devront encore être menés à bien. Tout cela met en évidence la fragilité des projets portés par le secteur privé face aux fluctuations économiques, mais aussi leur potentiel lorsqu’ils arrivent à terme. Constellation, s’il voit le jour comme prévu, pourrait devenir un modèle de résidence étudiante de grande capacité et à haute qualité environnementale.

Le coliving : une piste prometteuse portée par l’innovation

En marge des solutions classiques, une tendance émergente redessine le logement étudiant : le coliving. Inspiré des espaces de coworking, ce modèle propose de mutualiser les espaces de vie tout en conservant une chambre privée. Cette approche innovante est portée notamment par la start-up Roof, qui souhaite répondre à la crise du logement étudiant en créant des résidences hybrides, chaleureuses et adaptées aux modes de vie contemporains.

Fondée en 2022 par trois anciens cadres issus de Vinci, Heetch et HelloPatrimoine, Roof a récemment annoncé une levée de fonds de 20 millions d’euros, après un premier tour de table de 10 millions en 2022. Ces financements permettront de créer plus de 1 000 chambres dans les grandes villes françaises, avec des investissements immobiliers prévus à hauteur de 50 millions d’euros.

Chaque résidence Roof est pensée comme un lieu de vie communautaire : en plus de leur chambre individuelle, les résidents partagent des espaces comme une salle de sport, un cinéma, une cuisine commune ou encore un espace de coworking. Il y a une véritable volonté de favoriser le bien-être mental, lutter contre l’isolement social, et proposer un cadre de vie adapté aux exigences modernes.

À ce jour, Roof n’a pas encore officialisé de projet à Rennes, mais la capitale bretonne figure parmi les cibles naturelles de son expansion. Cependant, ce type de résidence existe déjà dans la capitale Bretonne, avec notamment la marque KenavHome qui dispose de plusieurs adresses dans la ville. Le modèle séduit par sa souplesse, son design attractif, et sa capacité à réconcilier logement et lien social.

Le coliving représente une alternative crédible aux résidences traditionnelles, surtout dans les métropoles où la demande dépasse de loin l’offre. De plus, cela donne des options supplémentaires pour ceux qui souhaitent investir en LMNP à Rennes.

logement étudiant rennes crise – des jeunes dans un salon en coliving
© Andrey_Popov - shutterstock

Des limites structurelles : pourquoi la crise persiste

Malgré une multiplication des projets, un certain dynamisme de la part des acteurs publics et privés, et l’apparition de solutions innovantes, la crise du logement étudiant à Rennes ne faiblit pas. Derrière les inaugurations et les levées de fonds se cache une réalité bien plus têtue : les besoins dépassent largement les capacités créées. Et plusieurs facteurs structurels expliquent cette persistance de la tension.

A. Une demande en forte croissance face à une offre qui peine à suivre

La première limite est arithmétique. Rennes est l’une des grandes métropoles universitaires françaises, avec près de 70 000 étudiants, dont une part importante venant de l’extérieur de la région. C’est d’ailleurs la 2ème meilleure ville étudiante de France en 2024. Chaque rentrée universitaire voit arriver des milliers de nouveaux inscrits, dont beaucoup cherchent un logement pour la première fois. Or, l’offre disponible, bien qu’en augmentation, reste largement insuffisante.

Les projets tels que le campus Frassati (94 logements), Saint-Hélier (22 logements supplémentaires) ou Constellation (520 logements d’ici 2026) contribuent à élargir le parc, mais à un rythme trop lent pour absorber le flux annuel. En parallèle, les logements du parc privé sont soumis à une forte pression locative, avec des prix en hausse constante et une concurrence féroce. Rennes est classée parmi les villes où le taux de tension locative est le plus élevé de France, notamment en raison du faible taux de vacance.

Résultat : de nombreux étudiants se retrouvent contraints d’accepter des conditions précaires, comme des chambres en sous-sol, des logements éloignés, voire de rester plusieurs semaines sans domicile fixe à la rentrée. Les bourses et aides au logement ne compensent pas toujours ces surcoûts, et certains jeunes renoncent même à venir étudier dans la ville faute de solutions viables, ou abandonnent carrément leurs études.

« Notre portefeuille est constitué de 80 à 60 % de logements neufs. Je recherche des locataires pour mon portefeuille de biens, le marché est très tendu. Pour un appartement en location, nous avons une cinquantaine de candidatures ! Quatre à cinq dossiers sont retenus. »

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B. Des initiatives ciblées mais peu inclusives

Certaines résidences introduisent une forme de sélection à l’entrée, qui peut exclure des étudiants pourtant en grande précarité, s'ils n’ont pas d’affinité avec la dimension communautaire (ou spirituelle dans le cas de la résidence Frassati par exemple) du lieu.

L’absence de grille tarifaire publique pour certains types de résidences rend difficile leur comparaison avec les logements du Crous, dont les loyers restent parmi les plus bas du marché. Les résidences étudiantes “haut de gamme” proposant de nombreux services sont un gros avantage pour la vie quotidienne des résidents, mais impliquent des loyers élevés que la plupart des jeunes ne pourront pas se permettre.

On observe donc une polarisation de l’offre : d’un côté, un parc public souvent saturé, de l’autre des projets qualitatifs mais sélectifs ou onéreux. Entre les deux, un “trou dans la raquette” pour les étudiants modestes qui ne rentrent dans aucun dispositif spécifique.

logement étudiant rennes crise – une femme se pose des questions
(c) Odua Images- shutterstock

C. Une inertie institutionnelle et des blocages opérationnels

Enfin, la crise du logement étudiant rennais est amplifiée par des délais administratifs longs, des procédures urbanistiques complexes et un foncier rare et cher. Le cas de la résidence Saint-Hélier, mentionné plus haut, illustre bien cette inertie : il a fallu plusieurs années pour aboutir à un projet de réhabilitation relativement modeste, avec seulement 22 logements supplémentaires à la clé. De plus, le chantier une fois lancé mobilisera près de 17 mois avant d’être livrable.

Le projet Constellation, quant à lui, montre comment une dépendance excessive à des opérateurs privés peut mettre en péril l’objectif de production. Les retards liés à la situation financière des promoteurs ont repoussé la livraison de deux ans – un temps précieux perdu alors que les besoins sont immédiats.

Par ailleurs, la rareté du foncier dans le centre de Rennes pousse les acteurs à chercher des solutions à la périphérie, mais cela engendre d’autres obstacles : coûts de transport pour les étudiants, moindre accessibilité aux campus centraux, et difficulté à maintenir une vie sociale étudiante dynamique.

Quelles pistes pour sortir de l’impasse ?

Il faut avant tout envisager une stratégie globale et structurelle. Si Rennes ne manque ni d’initiatives, ni de volontés, la coordination des efforts, la diversification des solutions et une accélération des dynamiques publiques apparaissent comme les clés pour répondre durablement à la crise du logement étudiant.

Accélérer et diversifier la production de logements accessibles

La première piste est évidente, mais plus facile à dire qu’à faire : produire plus, plus vite et mieux ciblé. Cela passe par une accélération des chantiers publics, mais aussi par la réhabilitation du bâti existant, plus rapide que les constructions neuves. Le Crous, appuyé par les collectivités locales, doit être doté de moyens accrus pour moderniser son parc et créer de nouvelles unités.

Il s’agit aussi de diversifier les formes d’habitat : des studios bien sûr, mais aussi des colocs encadrées, des logements intergénérationnels, et des modèles hybrides comme le coliving ou les résidences avec encadrement social. Réduire la dépendance au parc privé traditionnel, souvent peu contrôlé et parfois insalubre, est un enjeu de fond.

Mieux réguler le marché privé et accompagner les étudiants

À côté de l’offre institutionnelle, le marché locatif privé doit faire l’objet de mesures impactantes. Les dispositifs de plafonnement des loyers, les aides à la rénovation énergétique, ou encore les incitations fiscales pour les propriétaires acceptant de louer à des étudiants à tarif modéré, pourraient être mis en place ou renforcés.

En outre, de nombreux étudiants restent mal informés de leurs droits, des aides existantes (APL, bourses, garanties Visale, fonds d'urgence, etc.) ou des dispositifs alternatifs comme le logement intergénérationnel. Une campagne de communication coordonnée par la Ville, les universités et le CROUS pourrait permettre de mieux orienter les jeunes vers des solutions supplémentaires ou mieux adaptées.

Favoriser l’innovation et la coopération entre acteurs

Il serait pertinent de créer une instance de dialogue entre la ville, les établissements d’enseignement supérieur, les bailleurs, les acteurs associatifs et les étudiants eux-mêmes, afin d’anticiper les besoins, coordonner les implantations et orienter les financements.

Enfin, la mise à disposition de foncier public, ou d’immeubles vacants transformables en résidences temporaires, pourrait constituer un levier puissant pour pallier les urgences. Alors que certains étudiants vivent sous tente ou dans leur voiture en début d’année universitaire, des réponses transitoires mais dignes doivent pouvoir être mises en place.

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