Crédit immobilier : Une loi pour que votre employeur paye une partie de vos intérêts d'emprunt ?
SOMMAIRE
- Une mesure pour tenter d'apaiser le marché immobilier Un marché immobilier sous tension
- Un marché immobilier sous tension
- Un accès au financement toujours encadré
- Les traditions d’aide au logement financées par l’employeur
- Des objectifs bien définis pour ce projet de loi
- Une PPL pour que l'entreprise prenne en charge une partie des intérêts d'emprunt
- Avantage en nature plafonné
- Quelles conditions d’éligibilité pour les salariés ?
- Quelles modalités et obligations pour l’employeur ?
- Comparaison avec les dispositifs existants
- Quels impacts économiques et sociaux ?
- Un boost de pouvoir d’achat des ménages
- Attractivité et fidélisation pour les employeurs
- Effets macro-financiers et vigilance des autorités
- Quel coût pour les finances publiques ?
Alors que les taux de crédit immobiliers oscillent encore autour de 3,3 % sur vingt ans, complexifiant l’accession à la propriété, l’Assemblée nationale étudie une proposition de loi déposée le 1ᵉʳ avril 2025 qui explore une piste différente : permettre aux employeurs de prendre en charge une partie des intérêts d'emprunts de leurs salariés primo-accédants.
Cette contribution serait assimilée à un avantage en nature régi par les règles de l’épargne salariale. À la fois un soulagement pour le budget des ménages et un facteur d'attractivité pour les entreprises, le dispositif doit encore passer l’épreuve de la commission des affaires sociales avant une éventuelle discussion en séance publique.
Une mesure pour tenter d'apaiser le marché immobilier
Un marché immobilier sous tension
La production annuelle de crédits à l’habitat est tombée à 128,6 milliards d’euros en 2023, soit -40,9 % par rapport à 2022, selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Dans le même temps, les taux fixes moyens proposés sur vingt ans ont glissé de 3,95 % début 2024 à 3,40 % en mai 2025, d’après une moyenne de différents baromètres de taux de crédits. Ce reflux reste toutefois modeste au regard de la forte remontée de 2022-2023 ; les ménages doivent encore composer avec un coût du crédit trois à quatre fois plus élevé qu’en 2021.
Un accès au financement toujours encadré
Le recul des taux n’a pas suffi à relancer pleinement la demande, freinée par la règle du taux d’effort plafonné à 35 % imposée par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) depuis 2021. Le quotidien Le Monde rappelle que le taux moyen sur vingt ans atteignait encore 3,76 % en avril 2024, contre 4,26 % quatre mois plus tôt. Résultat : les primo-accédants, déjà pénalisés par la hausse des prix des biens immobiliers neufs jusqu’en 2022, voient leur capacité d’emprunt diminuer d’environ 15 % sur deux ans, selon les courtiers interrogés.
Les traditions d’aide au logement financées par l’employeur
L’idée qu’une entreprise soutienne l’accession de ses salariés n’est pas nouvelle. Le 1 % logement, créé par décret en 1953, oblige toujours quelque 170 000 entreprises à consacrer une partie de leur masse salariale au logement (Participation des employeurs à l’effort de construction). Devenu Action Logement en 2016, le dispositif propose aujourd’hui un prêt employeur à taux réduit, accessible aux salariés du secteur privé non agricole comptant au moins dix collaborateurs.
Des objectifs bien définis pour ce projet de loi
- Relancer la demande en réduisant la charge d’intérêts,
- Fidéliser les salariés dans un contexte de tensions sur le recrutement,
- Circonscrire le coût pour les finances publiques, l’avantage étant financé par l’entreprise et non subventionné par l’État.
Le dossier législatif prévoit un premier examen en commission des affaires sociales à la mi-juin 2025, avant un passage en séance publique annoncé pour l’automne.

Une PPL pour que l'entreprise prenne en charge une partie des intérêts d'emprunt
Avantage en nature plafonné
Le cœur de la proposition de loi n° 1228, déposée par la députée socialiste Valérie Rossi, tient dans un partage d’intérêts : l’entreprise peut régler, pour le compte de son salarié primo-accédant, jusqu’à 3 709,44 € d’intérêts par an, soit 8 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) fixé à 46 368 € en 2024 et porté à 47 100 € au 1ᵉʳ janvier 2025. Au-delà de ce seuil, l’intégralité du versement redevient soumise aux cotisations et à l’impôt classique, comme n’importe quel complément de rémunération.
L’avantage est assimilé à l’épargne salariale : jusqu’au plafond, il est exonéré de charges patronales (hors CSG-CRDS) et d’impôt sur le revenu pour le bénéficiaire, selon la mécanique déjà appliquée à la participation ou à l’intéressement.
Quelles conditions d’éligibilité pour les salariés ?
Le texte réserve le dispositif aux primo-accédants achetant une résidence principale en France. La notion de primo-accession reprend le cadre du prêt à taux zéro : ne pas avoir été propriétaire dans les deux années précédant l’acte, à quelques exceptions près (handicap, catastrophe naturelle).
L’entreprise ne peut soutenir qu’un prêt souscrit par un salarié en contrat de travail actif (CDI ou CDD couvrant toute la durée de la phase de remboursement subventionnée). Aucun plafond de ressources n’est inscrit dans la version déposée, mais le rapporteur s’est engagé à « examiner un critère de revenus en commission » afin de cibler les ménages modestes et intermédiaires.
Le logement financé doit être occupé au moins huit mois par an et ne peut être loué tant que coure la participation de l’employeur ; à défaut, celle-ci cesse de plein droit – une clause déjà pratiquée dans les prêts Sofiap.
Quelles modalités et obligations pour l’employeur ?
Concrètement, l’employeur dispose de deux voies :
- Remise directe de chèques bancaires au salarié, qui les reverse ensuite à sa banque ;
- Accord-cadre tripartite avec un établissement prêteur (type Sofiap ou Action Logement) chargé de récupérer la quote-part patronale et de l’imputer sur les échéances.
Dans les deux cas, l’entreprise doit déclarer le versement dans la DSN (déclaration sociale nominative) sous le code « avantage en nature ». La somme apparaît sur le bulletin de paie mais n’alourdit pas le net imposable tant qu’elle reste sous le seuil de 3 709,44 €. Pour sécuriser le montage, le texte renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des justificatifs : attestation bancaire annuelle précisant le montant total d’intérêts, relevé trimestriel des paiements effectués par l’employeur et, le cas échéant, déclaration de fin anticipée (rupture du contrat de travail, revente ou mise en location du bien).
L’entreprise peut internaliser le financement, mais un partenariat bancaire facilite la gestion et mutualise le risque ; c’est le modèle retenu par Engie ou la SNCF via Sofiap.

Comparaison avec les dispositifs existants
Dispositif | Plafond / Montant | Public visé | Avantage principal |
Interaction avec la PPL 1228 |
---|---|---|---|---|
Prêt Action Logement |
30 000 € max. à 1 %, 25 ans |
Salariés du privé (>= 10 salariés) |
Taux réduit, pas d'intérêts de marché |
Cumulable : la PPL couvre les intérêts du prêt bancaire principal, pas ceux du prêt employeur; l'entreprise peut choisir l'un ou l'autre |
PTZ 2025 | 10 % à 50 % du projet, sans intérêts |
Primo-accédants plafonnés en revenus |
Zéro intérêt, différé de remboursement |
Complémentaire : la prise en charge patronale porte sur les intérêts résiduels du prêt classique nécessaire pour couvrir le reste de l'opération |
Quels impacts économiques et sociaux ?
Un boost de pouvoir d’achat des ménages
La contribution annuelle de 3 709,44 € prévue par la proposition de loi représenterait pour de nombreux emprunteurs la totalité ou la quasi-totalité des intérêts payés les premières années, lorsque la part d’intérêts est la plus élevée dans l’échéance.
Un salarié de 36 ans du secteur de l’énergie, cité par Le Monde, a ainsi économisé 20 331 € en combinant un prêt classique de 220 000 € à 3,95 % et un prêt subventionné de 66 000 € à 1,97 % pris en charge par son employeur. Sur un montage différent, Sofiap chiffre l’avantage en nature à 15 712 € pour un emprunt total de 250 000 € dont 100 000 € subventionnés à 2,85 % sur vingt-cinq ans.
Dans un scénario moyen – prêt de 230 000 € sur vingt ans au taux fixe actuel de 3,4 % – les intérêts atteignent près de 88 000 €. Si l’employeur mobilise le plafond annuel pendant les huit premières années, la charge d’intérêts supportée par le ménage reculerait de l’ordre de 24 000 €, soit l’équivalent d’un apport initial de 10 % dans de nombreuses zones tendues.
Cette injection de pouvoir d’achat immédiat se double d’un effet de « reste à vivre » : la mensualité nette baisse d’environ 155 € la première année, un niveau qui compense la hausse moyenne des charges courantes constatée depuis 2022.
Attractivité et fidélisation pour les employeurs
Les directions des ressources humaines voient dans la prise en charge des intérêts un outil de rétention proche de la participation ou de l’intéressement, mais mieux ciblé sur les jeunes actifs. Sofiap recense plus de 46 000 prêts distribués depuis la création de son dispositif expérimental, et vient d’élargir son offre aux PME afin de dépasser le cercle d’une soixantaine de grands comptes (SNCF, Engie, groupes hospitaliers privés, etc.) représentant 600 000 salariés éligibles.
Les entreprises, elles, font d'une pierre deux coups : l'avantage n’entre pas dans l’assiette des cotisations patronales (hors CSG-CRDS) jusqu’au plafond réglementaire et il satisfait l’obligation croissante d’accompagnement social dans un marché de l’emploi concurrentiel.
Plusieurs groupes interrogés par Le Monde affirment que le taux de départ volontaire de leurs bénéficiaires est inférieur de deux points à la moyenne de l’effectif, un écart suffisant pour amortir l’aide en moins de trois ans.

Effets macro-financiers et vigilance des autorités
La Banque de France relève, dans son Rapport sur la stabilité financière décembre 2024, que la production de crédits à l’habitat redémarre depuis la baisse des taux initiée mi-2024, tout en soulignant que « des poches de vulnérabilité persistent pour les ménages les plus endettés ». À l’automne 2024, l’institution avait déjà exprimé, par voie de presse, ses réserves sur des initiatives parlementaires visant à desserrer les contraintes du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), considérant qu’un assouplissement mal calibré pourrait « fragiliser le dispositif de sécurité financière » .
Dans ce contexte, la prise en charge patronale des intérêts ne modifie pas la durée ni le montant du crédit ; elle agit sur la répartition du coût, sans inciter les banques à relever les ratios d’endettement au-delà du plafond de 35 %. Les économistes de marché y voient donc un risque systémique limité, à condition que le dispositif reste plafonné et qu’il ne favorise pas une flambée artificielle des prix.
Quel coût pour les finances publiques ?
Le financement repose exclusivement sur l’entreprise ; la seule dépense publique potentielle provient de l’exonération de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. Pour un salarié au salaire médian (2 500 € net), l’abattement annuel de 3 709,44 € représente environ 830 € de cotisations et prélèvements obligatoires non perçus.
Si 30 000 primo-accédants bénéficiaient du dispositif chaque année, la perte de recettes atteindrait 25 M€, soit 0,002 % du budget de la Sécurité sociale – un impact jugé « dérisoire » par les députés auteurs de la proposition lors des premiers échanges en commission. En retour, l’État ne mobilise ni crédit budgétaire ni bonification d’intérêt, ce qui distingue nettement la mesure du PTZ ou des aides directes à la pierre.
Les défenseurs du texte soutiennent par ailleurs qu’un regain d’activité notariale et une TVA supplémentaire sur la construction neuve pourraient compenser tout ou partie du manque à gagner. Les opposants rappellent qu’une décote de recettes, même faible, s’additionne à d’autres exonérations ciblées et complique la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques.
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