Le "bâtiment le plus moche de Rennes" va être rénové !
Hervé Koffel
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Longtemps pointé du doigt comme une verrue urbaine au cœur de Rennes, le centre commercial des 3 Soleils va enfin connaître sa renaissance tant attendue. Inauguré à la fin des années 70, il n’avait guère évolué depuis, jusqu’à devenir pour certains le « bâtiment le plus moche de la ville ». Après des années d’atermoiements entre copropriétaires, la décision est enfin tombée : une rénovation en profondeur débutera en 2026.
Redonner souffle et dignité à un édifice emblématique d'un côté, concilier mémoire architecturale, modernité esthétique et renouveau commercial de l'autre, c'est un chantier symbolique pour la capitale bretonne.
Un feu vert attendu depuis des lustres
Il aura fallu six longues années de réunions, d’esquisses et de compromis pour aboutir à ce moment : le vendredi 13 juin 2025, les 53 copropriétaires du centre commercial des 3 Soleils ont enfin voté une rénovation totale du bâtiment. Un « moment historique », selon les mots du syndicat des copropriétaires, qui acte la fin d’un blocage tenace, marqué de désaccords fonciers et de visions divergentes sur l’avenir de cette immense structure du centre-ville Rennais.
Depuis sa création en 1979, le centre commercial n’avait connu que peu de modifications, malgré les mutations du commerce urbain. Résultat : une galerie largement désertée, des vitrines vides à plus de 50 %, et une image déclinante collée à une façade vieillissante. Le bâtiment est devenu un vaisseau fantôme en plein centre-ville.
Mais cette fois, l’horizon se dégage. La société Terranae, filiale du groupe Evoriel et spécialisée dans la gestion d’actifs commerciaux, a été désignée pour piloter le projet. L’agence d’architecture Artkansas, menée par Laurent Carillion, prend en main la transformation. Le dépôt du permis de construire est prévu pour juillet 2025, suivi de plusieurs mois d’instruction. Si le calendrier est respecté, les premiers coups de pioche retentiront au premier semestre 2026, pour une durée de travaux estimée à deux ans.
Du verre sépia au Gwenn ha Du : une mue spectaculaire
La disparition annoncée du célèbre mur-rideau en verre fumé sépia, vestige très daté de la fin des années 1970, au profit d’une façade contemporaine, épurée et lumineuse, l'image est forte. C'est un acte de réconciliation entre l’esthétique du bâtiment et les attentes actuelles en matière d’urbanisme et de durabilité.
Le nouveau revêtement extérieur, imaginé par le cabinet Artkansas, prendra la forme d’une peau métallique aux teintes claires et aux propriétés thermiques renforcées, dessinée pour évoquer subtilement le Gwenn ha Du, le drapeau breton noir et blanc. Un clin d’œil régional assumé à cet étendard que l'on aperçoit dans les tribunes de presque tous les matchs de football en France, censé repositionner le bâtiment comme un symbole architectural rennais, fier de ses racines et tourné vers l’avenir.
« Notre objectif a été de rhabiller le bâtiment sans fard ni artifice, simplement en magnifiant son squelette aux formes sinusoïdales si harmonieuses. Sans changer son gabarit ni ses proportions et dans le respect de sa personnalité, nous avons cherché à lui tailler un nouveau costume sur mesure. »
Laurent Carillion, architecte du projet
Pas question pour autant d’effacer l’histoire. L’ossature d’origine, conçue par les architectes Louis Arretche et Jean-Gérard Carré, sera scrupuleusement conservée, notamment ses courbes emblématiques qui ondulent sur la façade comme des vagues figées. Le bâtiment ne changera ni de hauteur, ni de volume, afin de respecter son identité formelle.
Il n'en reste pas moins que le contraste entre l'ancien et le nouveau bâtiment sera important. Là où l’on voyait autrefois un bloc opaque et massif, destiné à être traversé sans qu’on y entre, on découvrira bientôt une structure ouverte, expressive, en phase avec son époque. Cette mue, spectaculaire autant que symbolique, redonnera au bâtiment sa place dans le paysage urbain, non plus comme une anomalie, mais comme un repère réinventé.
L’intérieur fait peau neuve, sans renier son passé
À l'instar de sa nouvelle façade, l’intérieur des 3 Soleils va lui aussi connaître une transformation d’ampleur, mais tout en finesse. Pas question ici de raser pour reconstruire, la réutilisation intelligente et la mise en valeur de l’existant seront privilégiées, dans un esprit de sobriété architecturale. Le centre commercial changera donc d’enveloppe, sans perdre tout à fait son âme.
La valorisation des matériaux nobles, à commencer par les sols en pierre et en marbre, sera le premier geste fort de la refonte intérieure du centre commercial. Longtemps laissés ternes et oubliés sous les pas des rares chalands, ils seront désormais polis et encadrés de résines minérales qui les rendront à la fois plus durable et révéleront leur qualité d’origine.
Côté ambiance, la galerie bénéficiera d’une mise en lumière entièrement repensée, avec l’intégration de luminaires LED et le dégagement de certains plafonds pour retrouver de la hauteur et offrir de meilleures perspectives. Les courbes de la façade extérieure se prolongeront à l’intérieur, notamment au plafond, afin d’assurer une continuité visuelle et sensorielle. Une lisibilité des parcours améliorée est également au programme, avec une signalétique plus claire, des points de repère visuels, et une ambiance globale apaisée, plus propice à la flânerie.
Mais l’un des changements les plus attendus concerne l’entrée du centre commercial. Actuellement peu lisible et peu engageante, elle sera totalement reconfigurée côté dalle du Colombier, un des points névralgiques du flux piéton en centre-ville. La nouvelle ouverture, directement issue de la suppression de plusieurs mètres carrés de surface commerciale, viendra fluidifier l’accès depuis la place du Colombier, en lien direct avec le métro et les circuits piétons.
C’est un enjeu crucial pour les copropriétaires
, explique la société Terranae, l’idée c’est d’apporter une nouvelle possibilité d’irrigation du centre par ce côté. Avec des atouts indéniables, comme l’accès direct au métro
. Ce parti pris architectural, plus ouvert, plus visible, pourrait bien métamorphoser le rapport entre le centre commercial et la ville : de simple galerie enclavée, les 3 Soleils deviendraient alors un véritable point de passage urbain lisible, lumineux, et attractif.
Un nouveau souffle pour le commerce rennais ?
Derrière la métamorphose architecturale des 3 Soleils, il y a bien sûr une volonté de relancer un cœur commercial en déclin. Malgré son emplacement stratégique à deux pas de la gare, du métro (Charles de Gaulle) et de la rue piétonne du centre-ville, le centre commercial n’attire plus. Sur les 40 cellules commerciales, plus de la moitié sont aujourd’hui inoccupées. Les enseignes historiques comme C&A ou Carrefour Market font figure de survivantes dans une galerie désertée.
Avec ses 9 300 m² répartis sur trois niveaux, le bâtiment dispose pourtant d’un potentiel considérable. Le projet de rénovation a justement pour objectif de renouveler en profondeur l’offre commerciale, à la fois en renforçant l’attractivité pour les commerçants en place, mais aussi en attirant de nouvelles enseignes (nationales ou montantes), qui cherchent à s’implanter dans une ville dynamique comme Rennes.
Le futur centre devra ainsi se positionner à la croisée des tendances : hybrider les fonctions, mêler retail, détente, restauration et même pourquoi pas services culturels ou tiers-lieux — à l’image des nouvelles attentes des citadins en matière de consommation.
En arrière-plan, c’est tout un quartier qui pourrait y trouver son compte. Le Colombier, longtemps perçu comme une enclave bétonnée coincée entre la gare et le centre ancien, aspire à une nouvelle vitalité. La relance du commerce local dépend en grande partie de l’image que renverra le lieu : un espace moderne, fluide, lisible, ouvert. Un lieu où l’on a de nouveau envie de passer, et de rester.
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