PLH, friches, aides à l’habitat… Saint‑Brieuc met le paquet sur le logement
SOMMAIRE
- Saint‑Brieuc, laboratoire breton de la ville construite sur elle‑même
- Les friches, catalyseur de la redynamisation urbaine
- PLH 2025‑2031 : 800 logements par an, dont la moitié « abordables »
- 1,40 M€ d’aides habitat : la boîte à outils financière de l’Agglo
- 1. Renforcer – pas concurrencer – l’ANAH
- 2. Trois portes d’entrée, un même guichet
- 3. Espace Info Habitat : le GPS des particuliers
- Financer l’ambition : un réseau de partenaires sous haute tension positive
- L’alliance des fonds publics
- Effet levier sur le capital privé
- Transitions écologiques et sociales au cœur du projet
- Zéro artificialisation nette : densifier plutôt qu’étaler
- Rénovation énergétique massive : 520 chantiers guidés chaque année
- Adapter plutôt que déplacer : 130 logements pour nos aînés chaque année
- Quelles prochaines étapes pour le logement à Saint-Brieuc ?
- Maintenir la confiance des investisseurs dans un contexte volatile
- S’assurer d’un suivi citoyen exigeant et transparent
- Articuler les calendriers réglementaires
- Garantir l’accessibilité financière jusqu’au bout
- Mesurer la réussite au-delà du compteur de logements
À Saint‑Brieuc, le futur s’écrit sur les murs du passé. Lasse de friches qui pesaient sur son cœur de ville, la capitale costarmoricaine a choisi de bâtir la ville de demain en utilisant le foncier existant et en limitant l’artificialisation des sols.
Cette méthode s’appuie désormais sur un Programme local de l’habitat offensif : 800 logements annuels, 34,5 millions d’euros d’aides sur six ans, plus 1,40 millions fléchés vers la rénovation dès 2025... Il est évident que le logement neuf à Saint-Brieuc passe à la vitesse supérieure.
Saint‑Brieuc, laboratoire breton de la ville construite sur elle‑même
Longtemps, la préfecture des Côtes‑d’Armor traînait l’image d’une « ville pas vraiment sexy », pour reprendre l’euphémisme entendu chez plusieurs acteurs locaux. Locaux fermés, vitrines aveugles : le centre historique paraissait figé dans une lente érosion démographique et commerciale. On cumulait les friches comme d’autres collectionnent les cartes postales
, ironise aujourd’hui un élu. Ce diagnostic sévère a pourtant servi d’électrochoc : plutôt que d’étendre la tache urbaine, la municipalité d’Hervé Guihard a décidé de retourner le stigmate en potentiel.
Dès 2021, la Ville orchestre un coup d’éclat : un « showroom des friches » inédit où treize bâtiments vacants – de l’ancienne Banque de France au centre de tri postal – sont présentés in situ à des promoteurs invités. Pari gagnant : chaque site récolte en moyenne une trentaine de marques d’intérêt. Plutôt que de courir les salons, on a fait venir les investisseurs à Saint‑Brieuc
, se félicite le maire. Cette inversion du rapport de force rassure le privé : la collectivité affiche clairement ses ambitions, anticipe les contraintes patrimoniales, et promet un accompagnement technique et financier qui sécurise les bilans.
La méthode intrigue au‑delà des frontières armoricaines. Le 4 mars 2025, la Fabrique de la Cité a tenu un atelier national sur la reconversion des friches. Devant 80 professionnels, sa directrice générale Céline Acharian célèbre « l’astuce et l’audace » briochines ; le président de l’Ordre régional des architectes, Maxime Le Trionnaire, souligne qu’ on ne voit pas cette ambition partout en Bretagne
. L’ancienne présidente de l’Ordre national, Christine Lecomte, rappelle enfin que 80 % de la ville de 2050 est déjà là
: Saint‑Brieuc en fait la démonstration concrète.
En quatre ans, la commune et l’agglomération ont ainsi remis en mouvement une dizaine de friches, mobilisant plusieurs organismes pour l’habitat. Et l’enjeu dépasse la cosmétique, puisqu’il s’agit de recréer des logements spacieux, des restaurants, des espaces de loisirs et un nouveau pôle économique, soit autant de raisons de revenir vivre en centre-ville à Saint-Brieuc.
Saint‑Brieuc, autrefois décriée, pose désormais les jalons d’une ville qui se régénère de l’intérieur, et attire l’attention nationale comme un laboratoire de la « ville sur la ville ».

Les friches, catalyseur de la redynamisation urbaine
Retour d’ascenseur pour des bâtiments longtemps oubliés : à Saint‑Brieuc, la reconquête passe d’abord par les friches. Depuis quatre ans, une dizaine d’îlots vacants changent de visage et de vocation.
- Ancienne Banque de France : coffres vides, mais potentiel massif. Les plateaux seront convertis en appartements familiaux de standing, doublés d’un rez‑de‑chaussée commerçant pour ranimer la rue Saint‑Guillaume.
- Centre de tri postal : après plus de vingt ans d’abandon près de la gare, il combine désormais restaurant bistronomique et espaces de coworking, articulés autour d’une verrière industrielle restaurée.
- Ancienne Caf : futur pôle économique à énergie passive ; avec 13,7 M€ d’investissement (dont plus de 5 M€ de subventions publiques), le bâtiment vise la plus grande réhabilitation passive de France.
- Friche Allende : laboratoire du « mix » urbain : services municipaux recevant du public, coliving pour jeunes actifs et bar‑restaurant panoramique en rooftop.
La constante est de mêler usages et usagers pour injecter de la vie à toute heure. Logements spacieux pour attirer des familles, cuisines ouvertes pour séduire les foodies, bureaux flexibles pour les travailleurs nomades, et même un toit‑terrasse qui promet un nouveau belvédère sur la vallée du Gouët. Je ne suis pas un maire bâtisseur, insiste Hervé Guihard ; je veux donner aux gens une bonne raison de revenir en centre‑ville.
Pour arriver à cet équilibre, la Ville croise systématiquement la rentabilité privée avec ses objectifs publics. Aux investisseurs, elle offre une visibilité financière ; aux riverains, la garantie d’un projet utile et sobre en carbone. Pour chaque bâtiment, nous avons travaillé avec les porteurs intéressés pour harmoniser leurs bilans et nos ambitions : c’est la meilleure façon de sortir un projet
, rappelle le maire. À l’échelle du territoire, Action Logement a déjà injecté 5 M€ ; la Banque des Territoires et le dispositif Action Cœur de Ville complètent la palette de financements.
Résultat : des grues visibles, mais une artificialisation des sols quasi nulle. Les friches deviennent autant de catalyseurs : elles densifient le centre sans étaler la ville, qualifient le patrimoine existant et rebranchent Saint‑Brieuc sur la carte des destinations bretonnes qui comptent.
PLH 2025‑2031 : 800 logements par an, dont la moitié « abordables »
Adopté en première lecture le 13 mars dernier, le nouveau Programme local de l’habitat (PLH) de l’agglomération de Saint-Brieuc trace la feuille de route jusqu’en 2031. L’objectif est frontal : 800 logements à produire chaque année, soit 7 000 habitants supplémentaires sur dix ans. Pour tenir ce rythme, l’Agglo ventile ses ambitions commune par commune :
- Saint-Brieuc : 185
- Ploufragan : 87
- Plérin : 77
- Pordic : 41
- Saint-Quay-Portrieux : 26
- Plœuc-l'Hermitage : 17
(Source : Chiffres extraits du projet arrêté le 13 mars 2025.)

À l’image du PLH de Rennes, Saint-Brieuc voit grand en termes de quantité de logements neufs.
Mais le cap n’est pas uniquement quantitatif. Un logement sur deux devra être “abordable” : 400 unités par an au sens de l’Agglo. Pour un couple avec un enfant, cela signifie un bien oscillant entre 170 000 et 220 000 €, accessible à des revenus annuels de 33 000 à 41 000 €.
La priorité ira aux communes en déficit de logements sociaux au regard de la loi SRU – Langueux, Plérin, Ploufragan, Trégueux, Plaintel, Plédran, Pordic et Yffiniac – tandis que Binic, Plœuc‑l’Hermitage et Hillion, bien que dispensées du quota légal, se voient fixer des cibles pour éviter le décrochage.
L’enveloppe suivra : 34,5 millions d’euros sur la durée du plan, réservés aux subventions à la pierre, à l’aménagement de foncier déjà urbanisé et à la rénovation thermique. Prochaine étape : un second vote en juin après consultation des 32 conseils municipaux, avant l’adoption définitive prévue en novembre 2025. À charge ensuite pour les promoteurs, bailleurs sociaux et propriétaires privés de transformer ces lignes budgétaires en chantiers concrets dès 2026.
1,40 M€ d’aides habitat : la boîte à outils financière de l’Agglo
1. Renforcer – pas concurrencer – l’ANAH
Pour transformer la stratégie du PLH sur le terrain, l’Agglomération aligne une enveloppe spécifique : 1,40 million d’euros en 2025. Présentée comme un « complément naturel aux dispositifs de l’Agence nationale de l’habitat », cette manne cible d’abord le bâti ancien : optimiser l’espace urbain existant, réduire les factures d’énergie et valoriser un patrimoine parfois dégradé. Cette somme va accompagner les projets des habitants de notre territoire
, insiste Sylvie Guignard, vice‑présidente chargée de l’habitat.
2. Trois portes d’entrée, un même guichet
- Propriétaires occupants : subventions bonifiées pour isoler une toiture, changer un système de chauffage ou adapter une salle de bains au vieillissement.
- Bailleurs privés : aides conditionnées à la mise en location à loyer modéré, pour étoffer l’offre « abordable » sans construction neuve.
- Investisseurs : primes à la réhabilitation de logements vacants, avec bonus si l’opération respecte un niveau élevé de performance énergétique.
Ces leviers complètent les centaines de rénovations énergétiques visées chaque année par le PLH et les adaptations de logements pour seniors. L’idée est de drainer les fonds nationaux (MaPrimeRénov’, éco‑PTZ, certificats d’économie d’énergie) tout en couvrant le reste‑à‑charge qui freine souvent les ménages.
3. Espace Info Habitat : le GPS des particuliers
Pour naviguer dans cette jungle d’aides, un Espace Info Habitat permanent reçoit propriétaires et professionnels : diagnostic gratuit, montage de dossiers, repérage des artisans qualifiés. Le service se déplace aussi hors des murs : il tenait notamment un stand au Salon de l’habitat au Palais des Congrès de Saint‑Brieuc, du 7 au 9 mars dernier. Un moyen d’acculturer le grand public et de convertir l’enveloppe de 1,40 M€ en chantiers concrets avant la fin de l’année.

Financer l’ambition : un réseau de partenaires sous haute tension positive
L’alliance des fonds publics
Derrière l’accélération visible des chantiers, un trio d’opérateurs agit comme colonne vertébrale financière : Action Cœur de Ville, Banque des Territoires et Action Logement.
”La Banque des Territoires sécurise les prêts de long terme tandis qu’Action Cœur de Ville flèche ses subventions sur les rez‑de‑chaussée commerciaux et l’habitat en centre‑ancien”
Yvonnick Leclerre, Directeur territorial Action Logement
Cette combinaison d’instruments – subventions directes, avances remboursables, crédits à taux bonifiés – forme un socle qui rassure collectivités et porteurs privés.
Effet levier sur le capital privé
Une fois la quote‑part publique actée, les investisseurs savent que la structure financière tient la route : c’est tout l’esprit du showroom 2021. Nos ambitions politiques valent autant qu’un audit bancaire
, résume un cadre municipal. L’affichage clair des objectifs environnementaux ou sociaux réduit l’incertitude et fluidifie les levées de fonds.
Dans les montages récents, chaque euro public attire entre trois et quatre euros privés, selon les estimations de l’Agglo ; un multiplicateur décisif quand les bilans se tendent sous l’effet du coût des matériaux.
Transitions écologiques et sociales au cœur du projet
Zéro artificialisation nette : densifier plutôt qu’étaler
Saint‑Brieuc Armor Agglomération s’arrime à l’objectif national ZAN : chaque mètre carré bâti devra désormais être compensé par la reconquête d’un autre. D’où la priorité accordée aux friches et aux dents creuses : sur les huit cents logements annuels du PLH, l’immense majorité sera produite sur des parcelles déjà urbanisées.
La construction doit limiter l’artificialisation des terres naturelles
, rappelle le programme local ; les nouveaux immeubles monteront donc en hauteur modérée, s’inscrivant dans le tissu existant sans grignoter sur les terrains agricoles de la périphérie.
Rénovation énergétique massive : 520 chantiers guidés chaque année
Plutôt que de parier uniquement sur le neuf performant, l’Agglo mise sur la réhabilitation thermique du parc existant. Objectif : accompagner 520 rénovations de logements par an, soit près de 3 000 sur la durée du plan. Les aides cumulées (ANAH, Agglo, certificats d’économie d’énergie) ciblent d’abord les passoires énergétiques classées F et G. Au menu : isolation des combles, remplacement des systèmes de chauffage au fioul, pose de menuiseries à triple vitrage. À la clé, un double dividende : moins de CO₂ émis et plus de pouvoir d’achat pour les ménages.
Adapter plutôt que déplacer : 130 logements pour nos aînés chaque année
Le vieillissement de la population bretonne impose de maintenir les habitants chez eux le plus longtemps possible. Le PLH mise donc sur 130 adaptations annuelles : douches à l’italienne, barres d’appui, élargissement des portes, domotique.
Subvention type : 40 % de la dépense plafonnée à 10 000 €, cumulable avec MaPrimeAdapt’. Les travaux, réalisés par des artisans labellisés, prolongent le maintien à domicile tout en préservant la mixité intergénérationnelle dans les quartiers centraux.

Quelles prochaines étapes pour le logement à Saint-Brieuc ?
Maintenir la confiance des investisseurs dans un contexte volatile
Saint‑Brieuc prévoit de répéter l’exercice du Showroom en 2026 : un second « forum des friches » élargi aux territoires voisins, et la mise en ligne d’un tableau de bord actualisé des disponibilités foncières. L’idée principale étant de continuer d’alimenter le pipeline de projets tout en rassurant banques et promoteurs sur la visibilité à long terme.
S’assurer d’un suivi citoyen exigeant et transparent
Chaque opération d’envergure mentionnée plus haut– Caf, Allende, Banque de France – fera l’objet d’un comité de riverains et d’une publication semestrielle des coûts, délais et impacts carbone.
Une plateforme numérique, portée par l’Agglo, présentera les avancements en open data : surfaces désartificialisées, nombre de logements abordables livrés, économies d’énergie post‑travaux. Le but sera ici de déplacer le débat sur les résultats concrets plutôt que sur les promesses initiales.
Articuler les calendriers réglementaires
Le vote définitif du PLH en novembre 2025 croisera l’échéance 2026 de la loi Climat et Résilience, qui durcit la trajectoire ZAN. L’Agglo doit donc finaliser avant 2027 son “plan de sobriété foncière”, verrouiller les périmètres de compensation écologique et sécuriser les derniers grands gisements de friches. Un travail de couture réglementaire qui conditionne l’obtention future de subventions d’État.
Garantir l’accessibilité financière jusqu’au bout
À 50 % de logements abordables par an, la barre est haute. Les partenaires prévoient d’élargir la palette d’outils : baux réels solidaires, prêts d’accession à taux zéro territorialisés, et mobilisation des Excédents de Réserve d’Action Logement pour lisser les mensualités des primo‑accédants.
Sans ces dispositifs, le risque est de voir l’offre neuve s’aligner sur un marché secondaire déjà tendu, réduisant à néant l’effort de mixité.
Mesurer la réussite au-delà du compteur de logements
La municipalité compte suivre trois indicateurs : retour des familles dans le centre (variation de la part des ménages avec enfants), taux de vacance commerciale en cœur de ville, et baisse moyenne des consommations énergétiques sur cinq ans. Un bilan intermédiaire est annoncé pour 2028 ; il décidera d’éventuelles réorientations budgétaires avant la dernière ligne droite vers 2031.
Le plus dur est encore à venir donc : transformer l’élan politique et financier en résultats palpables, quartier par quartier. Mais si Saint‑Brieuc relève ces défis, elle pourrait bien devenir la vitrine bretonne – et au‑delà – du recyclage urbain réussi
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