Interdiction de location des passoires thermiques : Finalement, pas de répit pour les DPE G
SOMMAIRE
- Passoires thermiques : Une loi qui visait à tempérer les interdictions de location
- Des exceptions prévues pour éviter des blocages
- Une tentative de compromis balayée par l’Assemblée
- Rejet de la proposition de loi : Les conséquences immédiates pour les DPE G
- Une multiplication des contentieux entre bailleurs et locataires
- Des propriétaires de DPE G contraints de vendre
- Une offre locative en tension, un impact important
- Quels scénarios pour la suite ?
- Quelles solutions pour les propriétaires concernés ?
- Solliciter les aides à la rénovation énergétique
- Optimiser la rénovation pour valoriser son bien
- Attendre une éventuelle évolution législative
- Se tourner vers le logement neuf ou remis à neuf ?
- Vers une transformation du marché locatif ?
Depuis le 1er janvier 2025, les logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE) ne peuvent plus être proposés à la location. Cette interdiction, prévue par la loi Climat et Résilience de 2021, a été intronisée dans le but d’accélérer la transition énergétique et d'éliminer les passoires thermiques du parc immobilier français.
Cette mesure suscite de vives inquiétudes parmi les propriétaires bailleurs, qui se retrouvent face à des rénovations coûteuses ou à l’impossibilité de louer leur bien. Pour tenter d’atténuer ces effets, une proposition de loi avait été déposée afin de tempérer l’application de l’interdiction.
Mais le 29 janvier 2025, l’Assemblée nationale a rejeté cet assouplissement, entraînant un tollé dans le secteur immobilier. Avec la disparition de cette option législative, les propriétaires doivent désormais faire face à des décisions difficiles : rénovation, revente ou contentieux avec les locataires.
Passoires thermiques : Une loi qui visait à tempérer les interdictions de location
La proposition de loi sur l’assouplissement du calendrier d’interdiction des DPE G a été déposée par les députés Bastien Marchive (EPR) et Iñaki Echaniz (PS) avec un objectif clair : éviter une application trop brutale de la mesure et donner du temps aux propriétaires confrontés à des contraintes techniques ou administratives.
Des exceptions prévues pour éviter des blocages
Le texte prévoyait plusieurs cas d’exemption permettant à certains propriétaires de continuer à louer leur bien temporairement :
- Si des travaux étaient techniquement impossibles, notamment dans des immeubles anciens ou classés.
- Si la copropriété refusait des rénovations nécessaires à l’amélioration du DPE.
- Si un projet de rénovation globale de l’immeuble était déjà voté et en attente de réalisation.
- Si le locataire lui-même bloquait l’accès aux artisans pour effectuer les travaux.
De plus, pour éviter une interdiction immédiate, la proposition de loi suggérait que la mise en conformité énergétique ne s’applique qu’aux nouveaux baux et non aux renouvellements tacites des contrats de location existants.
Une tentative de compromis balayée par l’Assemblée
Malgré le soutien du gouvernement, l’article principal du texte a été rejeté le 29 janvier 2025 par 72 voix contre 65, notamment par les députés de La France Insoumise et du Rassemblement National.
Pour eux, cet assouplissement aurait fragilisé l’application de la loi Climat et Résilience, perçue comme une avancée incontournable dans la lutte contre la précarité énergétique.
"Le bon sens a perdu ce soir. Ce texte aurait pu apporter souplesse et pragmatisme, son rejet ne permettra pas de prendre en compte la réalité du terrain."
Valérie Létard, ministre du Logement
Face à cet échec, les députés à l’origine de la proposition de loi ont décidé de retirer totalement le texte, laissant ainsi les propriétaires dans l’incertitude.

Rejet de la proposition de loi : Les conséquences immédiates pour les DPE G
Le rejet de cette proposition de loi ne laisse aucun répit aux propriétaires concernés. Depuis le 1er janvier 2025, tout logement classé G au diagnostic de performance énergétique (DPE) est considéré comme "indécent", empêchant ainsi sa mise en location. Pour les bailleurs, cette interdiction se traduit par trois conséquences radicales : une explosion des contentieux, une vague de ventes forcées et des tensions accrues sur le marché locatif.
Une multiplication des contentieux entre bailleurs et locataires
Sans cadre législatif permettant un délai d’adaptation, les propriétaires bailleurs doivent se conformer immédiatement à la nouvelle réglementation. Selon une étude récente de l’agence Guy Hoquet, la tension locative en France est telle que 55% des locataires seraient prêts à habiter un logement classé G au DPE, et ce malgré l’interdiction. En revanche, la même étude révèle que les trois quarts de ces locataires, informés de leurs droits, se disent prêts à attaquer leur propriétaire en justice pour exiger des travaux de rénovation.
Désormais, un locataire vivant dans un logement classé G peut saisir le tribunal pour réclamer une réduction du loyer, tant que des travaux de rénovation énergétique ne sont pas réalisés. Et les conséquences pour les propriétaires peuvent être sévères :
"Les bailleurs concernés s'exposent à des sanctions, même si les travaux de rénovation nécessaires dépendent de décisions de la copropriété. Ils pourront être condamnés à la réduction, voire à la suspension du loyer."
Danielle Dubrac, présidente de l’Unis (Union des syndicats de l'immobilier)
Autrement dit, un propriétaire se retrouve coincé : il ne peut ni louer son bien sans risque, ni effectuer des travaux s’ils sont bloqués par des décisions collectives ou administratives.
Des propriétaires de DPE G contraints de vendre
Face aux coûts élevés des rénovations, nombreux sont les propriétaires de passoires thermiques qui préfèrent vendre plutôt que de se lancer dans des travaux onéreux. 40 % des bailleurs propriétaires d’un bien classé G envisagent de vendre, tandis que seuls 26 % prévoient de réaliser des travaux.
Le coût des rénovations est un frein considérable:
- 500 €/m² en moyenne pour une rénovation permettant de passer d’un G à un F,
- Soit environ 30 000 € pour un studio de 30 m²,
- Et encore plus pour atteindre une classe E ou D, objectif visé à long terme par la réglementation.
Pour ceux qui n’ont pas d’épargne suffisante, la seule solution est de contracter un prêt à la consommation à des taux de 15 à 20 %, ce qui rend l’investissement non rentable à long terme.
"Un propriétaire bailleur ne s’y retrouve plus en termes de rentabilité. Quand il doit investir 30 000 euros pour rénover un 30 mètres carrés noté G afin de pouvoir continuer à le louer, il préfère vendre !"
Zahir Keenoo, président de Foncia ADB
Il est important de garder en tête cependant qu’il existe des aides de l’État pour encourager les rénovations énergétiques. On pense notamment au dispositif MaPrimeRénov’, dont l’État a alloué un budget de 2,3 milliards d’euros pour l’année 2025, ou des aides régionales variant selon les villes et collectivités.

Une offre locative en tension, un impact important
Avec des milliers de logements qui sortent du marché locatif, on pourrait craindre une aggravation de la crise du logement, notamment dans certaines zones tendues.
À Paris et dans les grandes métropoles, où la demande locative explose, la disparition de ces logements pourrait faire grimper les loyers des biens restants. En milieu rural, des logements vacants pourraient ne jamais trouver d’acquéreur, créant des friches résidentielles.
Prenons à titre d’exemple la performance énergétique des logements à Rennes. Le centre-ville ancien est là où se trouvent le plus de passoires thermiques, suivi des communes de Bruz et de Cesson-Sévigné. Une étude de l’Agence Audiar publiée en 2022 recensait environ 30 000 passoires énergétiques à Rennes Métropole, représentant 19% des émissions locales de gaz à effet de serre du secteur résidentiel. Sur l’ensemble de la métropole rennaise, c’est 32% du marché locatif privé qui est concerné par l’interdiction progressive de location des DPE G, F et E jusqu’en 2034, soit environ 65 000 biens.
Quels scénarios pour la suite ?
Le rejet de la proposition de loi a laissé les propriétaires bailleurs dans une situation d’incertitude. Si certains envisagent la rénovation ou la revente, d’autres espèrent encore une évolution du cadre législatif. Plusieurs pistes pourraient être explorées dans les prochains mois pour tenter de limiter les effets négatifs de l’interdiction des logements DPE G.
Malgré l’échec du premier texte, certains députés n’excluent pas de déposer une nouvelle proposition de loi. Le président de la Fnaim, Loïc Cantin, préconise des ajustements ciblés pour mieux prendre en compte les cas particuliers.
Il propose notamment d’exclure les logements classés G en renouvellement tacite de bail de l’interdiction, pour éviter une résiliation forcée pour des propriétaires qui seraient alors pénalisés pour des contrats signés avant l’entrée en vigueur de nouvelles règles
. Il a également évoqué la question des locations courte durée, qui bénéficient actuellement d’un report de l’obligation jusqu’en 2034. Cette situation crée des distorsions entre propriétaires, certains étant soumis aux restrictions et d’autres non.
Quelles solutions pour les propriétaires concernés ?
Pour solutions existent cependant pour encaisser cette interdiction de location :
Solliciter les aides à la rénovation énergétique
- MaPrimeRénov’ : Jusqu’à 20 000 € d’aide pour certains travaux d’isolation et de chauffage.
- Éco-prêt à taux zéro (Éco-PTZ) : Financement jusqu’à 50 000 € sans intérêt.
- Certificats d’économies d’énergie (CEE) : Primes versées par les fournisseurs d’énergie.
Toutefois, ces aides sont souvent insuffisantes pour couvrir l’ensemble des frais, notamment en copropriété, où les décisions de travaux doivent être votées en assemblée générale.
Optimiser la rénovation pour valoriser son bien
Plutôt que viser un changement radical de classe énergétique, certains propriétaires optent pour des travaux partiels, qui permettent de rendre le bien plus attractif à la revente, sans viser une mise en location immédiate et de profiter d’un meilleur prix de vente, en évitant une décote trop importante liée au classement G.

Attendre une éventuelle évolution législative
Certains bailleurs pourraient laisser leur bien vacant en attendant un possible réajustement des règles. Une stratégie risquée, car elle prive de revenus locatifs, mais qui pourrait s’avérer payante si des délais supplémentaires sont accordés dans les prochains mois. Elle repose cependant sur une hypothèse et ne devrait pas être la solution première.
Se tourner vers le logement neuf ou remis à neuf ?
Et oui, cela peut paraître cocasse, mais cette interdiction de location sonne peut-être le glas de fin pour votre logement énergivore... Pourquoi ne pas en profiter pour simplement le revendre et plutôt investir dans un logement neuf qui, lui, n’aura aucun souci de consommation énergétique et autres réglementations dans les décennies à venir ?
De même, investir dans un logement ancien totalement rénové est une possibilité, elle est même encouragée par le dispositif Denormandie qui permet de défiscaliser sur ce type d’investissement.
Vers une transformation du marché locatif ?
Si la tendance actuelle se confirme, on pourrait voir émerger un nouveau profil d’investisseurs, prêts à racheter des logements G à prix réduit pour les rénover et les revendre avec une plus-value. Certains fonds spécialisés commencent déjà à se positionner sur ce marché, anticipant une revalorisation future des biens énergétiquement performants.
"Nous assistons à une recomposition du marché : les investisseurs qui ont les moyens de rénover vont se renforcer, tandis que les petits bailleurs risquent de disparaître."
Loïc Cantin, président de la Fnaim
Mais cette évolution pourrait aussi réduire l’offre locative accessible, si trop de logements quittent le marché. Une situation qui, à terme, pourrait contraindre le gouvernement à revoir sa copie.
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