Les mesures pour le logement annoncées par François Bayrou seront-elles suffisantes ?
SOMMAIRE
- L’immobilier français en grand besoin de mesures efficaces
- Les mesures phares annoncées pour relancer le logement
- Relance de la construction
- Simplification administrative
- Densifier plutôt qu'étaler
- Encourager l'investissement locatif et l'accession à la propriété
- Aider le logement en soutenant les acteurs locaux et privés
- Un appui renforcé aux maires bâtisseurs
- Mobilisation du foncier public et des collectivités
- Qu'en disent les professionnels du secteur ?
- Un discours ambitieux mais flou
- La mobilisation des collectivités, encore des pistes à améliorer
- Des propositions insuffisantes pour le marché locatif privé
- L’urgence de relancer la construction neuve
- Un contexte de crise structurelle
Avec l’intensification de la crise du logement en France ces dernières années, les inégalités sociales se sont amplifiées, rendant l’accès à un logement abordable de plus en plus difficile pour de nombreux citoyens. Étudiants, jeunes actifs et familles modestes sont les premières victimes de cette situation, dans un contexte où la construction peine à suivre la demande.
En réponse à cette urgence, François Bayrou, lors de son discours de politique générale, a affirmé sa volonté de faire du logement une priorité nationale, le qualifiant de « mission centrale » de son mandat.
À travers des annonces ambitieuses, le Premier ministre propose une refonte des politiques existantes pour relancer la construction, simplifier les démarches administratives, et soutenir à la fois les collectivités locales et les investisseurs privés. Cependant, derrière les intentions, des interrogations demeurent sur la mise en œuvre concrète de ces mesures. Quels sont les principaux axes de cette stratégie et leurs chances de succès face à une crise structurelle et complexe ? Un point sur les propositions de François Bayrou et les réactions qu’elles suscitent.
L’immobilier français en grand besoin de mesures efficaces
La crise du secteur du logement en France est marquée par une pénurie de logements accessibles et une baisse continue de la construction. Alors que les besoins sont estimés à environ 500 000 logements neufs par an, le rythme actuel plafonne à 300 000 unités, bien en deçà des attentes. Ce retard cumulé aggrave la saturation du parc social, tandis que l’offre locative privée s’érode, notamment dans les zones urbaines tendues.
Les étudiants, souvent parmi les plus vulnérables, subissent de plein fouet cette crise. La France compte actuellement environ 240 000 logements étudiants, majoritairement gérés par les Crous. Mais ces infrastructures restent largement insuffisantes. Selon un sondage réalisé en 2023, 17 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans ont été contraints d’interrompre leurs études en raison de l’absence de solutions de logement abordables (OpinionWay). Cette précarité étudiante est le constat alarmant d’un problème plus large qui touche toutes les catégories sociales.
Le marché locatif, lui aussi, est sous pression. En trois ans, l’offre locative étudiante a chuté d’un tiers selon SeLoger. Parallèlement, la hausse fulgurante des taux d’intérêt en 2022-2023 ont freiné l’accession à la propriété, poussant de nombreux ménages à renoncer à leurs projets immobiliers. Les taux ont heureusement commencé à baisser à nouveau depuis début 2024.
Les professionnels du secteur soulignent également l’impact des coûts croissants de la construction, qui freinent les promoteurs et limitent les nouveaux projets.
Face à ces problématiques, François Bayrou a affirmé sa volonté de faire évoluer une politique jugée « insuffisante » par de nombreux acteurs. Si l’on ne peut pas se loger, on ne peut pas se faire reconnaître
, a-t-il martelé dans son discours, rappelant l’importance du logement comme pilier d’une société inclusive.

Les mesures phares annoncées pour relancer le logement
Lors de son discours de politique générale, François Bayrou a dévoilé une série de mesures destinées à redynamiser le secteur et à élargir l’accès au logement pour tous, notamment les populations les plus touchées par la crise. Ces annonces s’articulent autour de plusieurs axes, avec pour but de simplifier, accélérer et encourager la construction et l’investissement.
Relance de la construction
Une des annonces phares concerne la création de 15 000 logements étudiants par an sur une période de trois ans, financés en partie par la mobilisation du foncier public.
Le gouvernement prévoit également de dynamiser la construction en facilitant la transformation des espaces vacants, comme les bureaux inutilisés, en logements. Cette approche permettra d’optimiser les infrastructures existantes, tout en limitant l’artificialisation des sols.
Simplification administrative
François Bayrou s’est engagé à réduire les lourdeurs administratives qui freinent la construction. Parmi les mesures envisagées :
- Réduction des délais nécessaires pour obtenir des autorisations de construire.
- Allégement des démarches pour les promoteurs et les collectivités.
- Favorisation des changements d’usage des bâtiments, une solution particulièrement attendue dans les zones urbaines où la demande dépasse largement l’offre.
Ces réformes devraient, selon les professionnels du secteur, stimuler la reprise des projets immobiliers, en particulier dans les grandes agglomérations.
Densifier plutôt qu'étaler
Pour mieux répondre à la demande dans les zones tendues, le gouvernement met l’accent sur la densification. Cette approche prévoit la surélévation d’immeubles existants et l’utilisation plus intensive des terrains disponibles.
Il est impératif de maximiser l’usage des espaces urbains tout en garantissant une qualité de vie
, a souligné François Bayrou. Ces initiatives visent à encourager une urbanisation maîtrisée et durable, et surtout limiter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.
Encourager l'investissement locatif et l'accession à la propriété
Un autre volet clé des mesures concerne la relance de l’investissement privé. En effet, avec la fin du dispositif Pinel le 31 décembre 2024, le nombre d’investisseurs risque de plonger abruptement en ce début d’année 2025. Pour inciter les particuliers à réinvestir dans l’immobilier locatif, le gouvernement envisage la création d’un statut fiscal avantageux pour les bailleurs privés, inspiré du modèle allemand.
En parallèle, des dispositifs comme le Prêt à Taux Zéro (PTZ) pourraient être élargis à de nouveaux territoires pour faciliter l’accession à la propriété, en particulier pour les ménages modestes. Cette mesure avait été adoptée dans le projet de loi de finances 2025 mais était en suspens depuis la censure du gouvernement Barnier. Il y a cependant de fortes chances qu’elle soit réintégrée d’ici peu.

Aider le logement en soutenant les acteurs locaux et privés
Pour répondre efficacement à la crise du logement, François Bayrou mise sur une collaboration renforcée entre l’État, les collectivités locales et les investisseurs privés. Ce partenariat est au cœur des mesures annoncées, visant à créer un écosystème propice à la construction et à l’investissement immobilier.
Un appui renforcé aux maires bâtisseurs
François Bayrou a annoncé la mise en place d’un système d’encouragement spécifique pour les maires qui s’engagent dans des projets de construction ambitieux. Ces « maires bâtisseurs » pourraient bénéficier d’un soutien financier accru pour développer des infrastructures indispensables, comme les écoles et les équipements sportifs, parallèlement aux programmes de logement.
L’objectif est de lever les freins locaux souvent liés aux oppositions politiques ou aux limites budgétaires des municipalités.
Mobilisation du foncier public et des collectivités
Pour accompagner ces initiatives, le gouvernement prévoit de mobiliser davantage le foncier public, souvent sous-utilisé. Ces terrains, appartenant à l’État, pourraient être mis à disposition des municipalités ou des promoteurs pour accélérer les programmes de construction. Une approche qui permettrait de contourner les obstacles liés à la rareté et au coût élevé des terrains disponibles, notamment dans les grandes agglomérations.
Qu'en disent les professionnels du secteur ?
Malgré l’ambition affichée par François Bayrou, les annonces sur le logement suscitent des réactions mitigées parmi les professionnels du secteur et les collectivités locales. Si certains saluent les grandes lignes d’une politique volontariste, d’autres pointent du doigt des propositions jugées insuffisamment détaillées ou mal adaptées à la réalité de la crise actuelle.
Un discours ambitieux mais flou
Les intentions du gouvernement, bien qu’encourageantes, manquent de précisions sur leur mise en œuvre concrète. Loïc Cantin, président de la FNAIM, a qualifié ces mesures de déclaration de bonne intention
, regrettant l’absence de solutions opérationnelles pour répondre aux problèmes structurels du secteur.
De nombreuses interrogations subsistent notamment sur le financement des projets, le calendrier de leur déploiement, et la capacité réelle à simplifier les démarches administratives, un objectif maintes fois annoncé mais rarement atteint.
Le risque d’un décalage entre ambition et réalité est d’autant plus grand que certaines mesures nécessitent une mobilisation rapide des collectivités locales et des investisseurs privés, qui peinent parfois à suivre le rythme imposé par l’État.
La mobilisation des collectivités, encore des pistes à améliorer
Les maires, acteurs clés de la construction de logements, sont à la fois encouragés par les incitations financières proposées et inquiets des contraintes qui pourraient leur être imposées. Si la simplification administrative et l’accélération des permis de construire sont vues comme des progrès, de nombreux élus pointent un manque de moyens pour financer les infrastructures nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants (écoles, transports, services publics).
À cela s’ajoute la proximité des élections municipales de 2026, qui pourrait freiner les prises de décisions audacieuses à court terme.

Des propositions insuffisantes pour le marché locatif privé
Du côté des investisseurs, les mesures destinées à relancer le marché locatif privé, comme le statut fiscal des bailleurs privés, suscitent des attentes importantes, mais aussi des doutes. Plusieurs professionnels estiment que la création d’un cadre fiscal plus favorable est nécessaire mais insuffisante pour inverser la tendance, notamment dans un contexte où les taux d’intérêt élevés dissuadent déjà les acquéreurs.
La plupart attendaient un nouveau dispositif de défiscalisation via l’investissement locatif pouvant remplacer le Pinel, mais rien n’a été annoncé de ce côté-là, alors que ce dernier représentait pourtant une très grande partie de l’investissement dans l’immobilier neuf.
Par ailleurs, les dispositifs envisagés comme le PTZ ou l’exonération des droits de succession manquent de détails sur leur périmètre et leur impact réel.
L’urgence de relancer la construction neuve
Pour Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers, il est urgent d’agir
. Bien que les annonces de simplification et de densification soient bien accueillies, elles ne suffisent pas à compenser les multiples freins qui pèsent sur la construction neuve : coût croissant des matériaux, complexité des normes environnementales, et réticences locales face aux grands projets d’urbanisation.
Un contexte de crise structurelle
Les professionnels du secteur soulignent également que la crise actuelle dépasse les simples enjeux de politique publique. Les besoins en logements, exacerbés par les tensions économiques et sociales, nécessitent des réformes de grande ampleur pour stabiliser un marché déséquilibré depuis plusieurs années. Sans changements profonds, notamment sur les modalités de financement et les relations entre État et collectivités, les annonces risquent de rester insuffisantes pour transformer durablement le paysage immobilier français.
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