(R)évolution des dalles : la fin de l'insécurité à Maurepas ?

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Avatar Hélène BERTIER Hélène Bertier

le 02 janvier 2019

[ mis à jour le 12 juillet 2023 ]

SOMMAIRE

© Rennes Métropole

Présenté dans les années 60 et 70 comme l’architecture du futur, « l’urbanisme de dalles » est devenu, cinquante ans plus tard, le cauchemar des aménageurs publics. C’est que ce mode de construction, particulièrement employé dans les quartiers, a pour effet de créer des enclaves, des places encerclées d’immeubles qui suscitent l’entre soi et favorisent l’insécurité.

« Dans les années 1960, c’était un gage de modernité. On garait sa voiture dans le parking souterrain et on prenait l’ascenseur. Le top, c’était d’avoir un vide-ordures à chaque étage », raconte Sébastien Sémeril, l’adjoint à l’urbanisme de la ville. Mais force est de reconnaître que ce modèle n’a pas su faire ses preuves, en plus de mal vieillir : « On a des places sur plusieurs niveaux où il est compliqué d’assurer la sécurité. Il n’y a pas de continuité urbaine ».

Le défi des urbanistes rennais d’aujourd’hui est donc celui-ci : transformer ce lourd héritage architectural pour l’adapter aux modes de vie et aux pratiques des habitants. L’une des priorités sera de rajeunir et de rafraichir les bâtiments, mais aussi de repenser l’organisation spatiale et communautaire qu’impliquent ces dalles. Et ce ne sera pas une mince opération, puisque Rennes est fourmille de quartiers de ce type, et la problématique se retrouve aux quatre coins de la ville, que ce soit au Colombier, à Kennedy ou au Gros Chêne.

Les ambitions sont grandes, et le temps de conversion sera long. Mais le prix à gagner semble à la hauteur des efforts à fournir, puisqu’il s’agit d’offrir à un pan entier de la population rennaise le droit à un habitat sain et sûr, et à une vie de quartier apaisée.

Alors que des travaux d’ampleur ont déjà été menés au Blosne et sur la dalle Kennedy à Villejean, le Gros Chêne et le Colombier s’apprêtent à entrer dans une phase de transformation urbanistique sans précédent depuis l’érection des tours qui les peuplent.

Rénovations prioritaires au quartier Maurepas

À deux ans de l’arrivée de la seconde ligne de métro, le quartier du Gros-Chêne s’apprête à entrer dans un long processus de rénovation et de transformation, qui devrait lui permettre de devenir le quartier convivial et familial dont ses habitants rêvent.À l'image des quartiers les plus tranquilles de Rennes.

Un projet de longue date, qui tend enfin à se concrétiser : « Nous voulons profiter de l’arrivée de la ligne B du métro pour reconnecter le quartier à la ville », annonce la maire de Rennes, Nathalie Appéré.

D’ici dix ans, les urbanistes espèrent avoir eu raison de l’insécurité latente qui ici ternit la vie de quartier et entrave les projets communs. Car par ailleurs, comme le formule bien l’élu écologiste Matthieu Theurie, le Gros-Chêne est «un territoire à haut potentiel d’innovation, tant sociale, qu’économique ou encore écologique. Le quartier fourmille d’associations, d’initiatives, d’entreprises et de projets.»

Les habitants, usagers et travailleurs du quartier semblent bien déterminés à accompagner ce mouvement de reconversion, et à œuvrer aux côtés des urbanistes pour repenser leur lieu de vie. « Les gens qui habitent ici, ils aiment leur quartier, ils aimeraient bien le changer. Il y a un vrai potentiel », explique Gabriel, le gardien d’immeuble qui gère « la banane » pour le bailleur social Archipel Habitat, une barre de logements installée en haut de la dalle du Gros Chêne.

© Rennes Métropole

« Ce qu’il manque ici, c’est une place centrale »

La dalle du Gros Chêne peut encore devenir cet élément fédérateur, mais elle demande à être repensée en fonction de ses usages, et de la découpe spatiale qu’elle définit.

« Ce qu’il manque ici, c’est une place centrale, un endroit où les habitants pourraient se retrouver pour mettre leur énergie en commun. »
Karim, gestionnaire des tours Mounier ou Brno

Cette opération menée de front par la ville et le bailleur social Archipel Habitat doit permettre « d’améliorer le quotidien des habitants du Gros Chêne », pour reprendre les termes de la maire de Rennes, Nathalie Appéré. Or pour ce faire, il ne suffit pas de rénover les immeubles, il s’agit également de les inscrire dans un environnement assaini et revitalisé.

« Il faut casser ces différents niveaux, créer des pentes douces. C’est le seul moyen de la désenclaver. »
Sébastien Sémeril, l’adjoint à l’urbanisme de la ville

La dalle du Gros Chêne va donc être un point prioritaire de cette vaste entreprise de rénovation urbaine, et elle va subir d’importants travaux dès le courant de l’année 2019 :

La municipalité espère ainsi « aérer » le secteur, trop dense, et permettre à de nouvelles activités tertiaires de s’y installer. Car en plus d’améliorer la qualité de vie des habitants, les aménageurs veulent profiter de cette opération pour relancer l’attractivité du quartier. Cela passera par deux démarches complémentaires, conditions de possibilité cette attractivité :

  1. Un travail sur les accès au quartier, permettant de le rouvrir sur la ville : « Pour cela, nous voulons un cheminement direct entre Patton et le métro, sans avoir un effet de rupture avec la dalle commerciale », prévoit Sébastien Sémeril, anticipant l’ouverture de la nouvelle station de métro courant 2020.
  2. Un travail sur l’offre de scolarisation, notamment via la rénovation de la vieillissante école Trégain, l’une des plus grandes de la ville, qui sera probablement démolie pour laisser place à un nouveau groupe scolaire, tandis qu’une nouvelle école doit être créée en plus sur le secteur Maurepas Gayeulles.

Le réaménagement de la dalle mobilisera, à lui seul, plus de 230 millions d’euros de crédits.

Conserver les tours, «de vrais marqueurs » identitaires du Gros Chêne

Les tours Brno et Mounier, emblématiques immeubles du 5 et 7 Mounier, seront conservées. «Nous avons décidé de maintenir les tours, en accord avec les bailleurs sociaux. Elles sont de vrais marqueurs pour le Gros Chêne», estime Emmanuelle Rousset, l’élue en charge du quartier.

Ces tours, les plus hautes du quartier, vont donc se prêter à la restructuration plutôt qu’à la démolition. En tout, seulement 39 logements sur les 1400 concernés par le besoin de remise en état seront détruits, ceux du 12 au 26 allée de la Marbaudais. La barre HLM en question sera scindée en deux par la démolition d’une partie de dix logements, qui permettra d’ouvrir les espaces, tout en offrant un accès et une visibilité sur la future station de métro. La démolition est prévue à partir d’avril 2019, pour un début de chantier en juin 2019.

Mais changer l’offre de logement pour l’adapter aux nouveaux besoins

Pour autant, les tours ne resteront pas en l’état. Hauts de 50 mètres, ces immeubles de 15 étages datant des années 60 vont avoir droit à un relooking complet, facilité par leur conception atypique qui permet aux architectes de concevoir leur transformation de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur. Ce qui va leur permettre de se réadapter aux besoins actuels des ménages Rennais.

« Nous avons beaucoup d’appartements en T2 ou en T3 avec de petites pièces de vie. Ce n’est plus ce qui est recherché aujourd’hui. Il faut améliorer l’offre de logements pour attirer des familles par exemple. »
Emmanuelle Rousset, l’élue en charge du quartier

Jusqu’ici, les tours se composaient essentiellement de T2, T3 et T4. Les architectes en charge du projet ont donc proposé une redistribution des espaces privatifs et communs, afin de moduler les tailles de logements, pour proposer des biens allant du studio pour jeunes actifs eu T6 Duplex pour des familles nombreuses. À terme, les Tours 5 et 7 devraient donc se voir offrir :

Ces deux premières tours seront mises aux normes de rénovation BBC et leur isolation phonique sera renforcée. Le tout pour un budget de 15 millions d’euros, soit en moyenne 81.000 € de travaux par logement.

D’après les dernières annonces, les travaux débuteront fin 2019 et devraient durer une trentaine de mois, pour une livraison prévue sur le premier semestre 2022.

Une valorisation originale des déchets du chantier !

On sait la ville de Rennes toujours fort impliquée dans l’écologie. Une implication qui se confirme ici encore tout en se distinguant par sa créativité. Le traitement des déchets et gravats du chantier a fait l’objet d’un appel à projets, et l’on peut dire que les Rennais ont faire preuve d’une grande originalité dans leurs propositions de « recyclage » des canalisations, appliques murales, garde-corps, menuiseries, charpentes…, promis à la démolition.

En tout, 11 projets de réemploi des matériaux du chantier ont été présentés, et cinq retenus :

Pour Nathalie Appéré, la maire de Rennes, ce « sera l’occasion de franchir un cap dans la volonté d’une économie plus circulaire et de réemploi des matériaux », chose ici rendue possible par la « richesse associative et humaine » du quartier Maurepas.

Un centre commercial sur la dalle du Colombier ?

© chisloup [CC BY 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by/3.0)] / Date de l’image : décembre 2010

« Ca va bouger » au Colombier ! L’adjoint à l’urbanisme Sébastien Sémeril l’a annoncé, et même si « rien ne devrait être arrêté avant la fin du mandat », le projet d’une transformation majeure de la dalle du Colombier a commencé de s’esquisser. « Nous avons un projet de restructuration et d’extension. Les premiers résultats de nos études sont intéressants », a ajouté l’élu, tout en se voulant rassurant sur les transformations : « l’esprit de Louis Arretche restera », et avec lui la tour de l'Eperon, emblématique du quartier.

Ce quartier, que les Rennais connaissent bien pour son cinéma (en passe de déménager), ses arcades et ses escaliers par dizaines, va peut-être sortir lui aussi de son enclavement labyrinthique. Conçue dans les années 1970 à la place d’une caserne militaire, la dalle commerçante du Colombier est porteuse d’un potentiel jusqu’ici clairement sous-exploité, en passe de s’exprimer en une vaste extension du centre commercial Colombia.

La dalle pourrait donc se faire bientôt le lien naturel entre le quartier et l’esplanade de Gaulle, au lieu de rester le corridor minéral qui sépare actuellement les centres commerciaux de Colombia et des Trois Soleils. « Ce n’est pas pratique, il n’y a aucune continuité », déplore la responsable d’une boutique de Colombia, qui attend depuis huit ans de voir se concrétiser le projet d’agrandissement.

Si les transformations sont si lentes à se réaliser, c’est qu’elles nécessitent la participation d’un grand nombre d’acteurs : les deux centres commerciaux (qui n’appartiennent pas au même groupe), la ville (qui est propriétaire de la dalle), mais aussi le vieillissant hôtel Mercure ou encore les responsables du Cinéville. Il est prévu que le cinéma ferme à l’ouverture du nouveau complexe Cinéville de Vern-sur-Seiche, en 2019. « Si le cinéma est vendu, la ville se portera acquéreur », s’engage Sébastien Sémeril.

L’élu ne semble plus attendre qu’un feu vert des différentes parties, et une solution de financement : « La ville ne pourra pas porter ce projet seule », admet-il. On peut espérer que le mastodonte Klepierre, leader européen des centres commerciaux et propriétaire du Colombia, se porte volontaire pour suivre la municipalité dans ce projet d’ampleur.

[ En Résumé ]

Présenté dans les années 60 et 70 comme l’architecture du futur, « l’urbanisme de dalles » est devenu, cinquante ans plus tard, le cauchemar des aménageurs publics. C’est que ce mode de construction, particulièrement employé dans les quartiers, a pour effet de créer des enclaves, des places encerclées d’immeubles qui suscitent l’entre soi et favorisent l’insécurité.
Le défi des urbanistes rennais d’aujourd’hui est donc celui-ci : transformer ce lourd héritage architectural pour l’adapter aux modes de vie et aux pratiques des habitants. L’une des priorités sera de rajeunir et de rafraichir les bâtiments, mais aussi de repenser l’organisation spatiale et communautaire qu’impliquent ces dalles. Et ce ne sera pas une mince opération, puisque Rennes est fourmille de quartiers de ce type, et la problématique se retrouve aux quatre coins de la ville, que ce soit au Colombier, à Kennedy ou au Gros Chêne.
Alors que des travaux d’ampleur ont déjà été menés au Blosne et sur la dalle Kennedy à Villejean, le Gros Chêne et le Colombier s’apprêtent à entrer dans une phase de transformation urbanistique sans précédent depuis l’érection des tours qui les peuplent

SOURCES
  • « EN IMAGES. Rennes. Le futur visage des tours du Gros-Chêne se dévoile », par Pascal Simon - Ouest-France.fr, 25/12/2018
  • « Rennes: Et si la dalle du Colombier disparaissait au profit d’un grand centre commercial ? », par Camille Allain - 20 Minutes.fr, 17/12/2018
  • « Rennes: Symboles de modernité hier, les dalles sont devenues le cauchemar des urbanistes », par Camille Allain - 20 Minutes.fr, 11/12/2018
  • « Rennes. 240 millions d’euros pour aménager le Gros-Chêne », par Oliver Berrezai - Ouest-France.fr, 03/12/2018
  • « Rennes: Le quartier Gros Chêne va changer de visage, mais gardera ses tours », par Camille Allain - 20 Minutes.fr, 21/03/2017
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