L'encadrement des loyers serait "contre-productif" selon une étude de l'observatoire Clameur

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Avatar de l'auteur "Hervé KOFFEL" Hervé Koffel

le 20 novembre 2025

[ mis à jour le 20 novembre 2025 ]

SOMMAIRE

Le 18 novembre 2025, l'observatoire privé Clameur lance un pavé dans la mare : l'encadrement des loyers appliqué à Lyon et Lille n'aurait produit « aucun effet » sur les tarifs. Pire, la mesure pénaliserait l'offre locative privée. Cette charge frontale intervient à un moment charnière pour le dispositif expérimental.

Une étude qui contredit le consensus politique

L'étude, dévoilée le 18 novembre 2025, cible deux métropoles où l'encadrement des loyers devait faire ses preuves : Lyon, qui applique le dispositif depuis novembre 2021, et Lille, pionnière depuis mars 2020. Le verdict tombe comme un couperet : « les tendances restent les mêmes avant et après » la mise en place de la régulation.

L'observatoire Clameur ne s'appuie pas sur des impressions. Sa base de données rassemble 11 millions de baux, essentiellement rédigés par des professionnels qui respectent scrupuleusement les règles. La méthodologie, « inspirée des sciences médicales » selon l'un des co-auteurs de l'étude Guillaume Toussaint, reproduit un protocole d'essai clinique : un groupe test (Lyon et Lille, sous encadrement) comparé à un groupe témoin (Toulouse et Rennes, marchés libres). Comme pour évaluer l'efficacité d'un médicament, les auteurs mesurent l'écart entre le patient traité et celui qui ne l'est pas.

Résultat : aucune inflexion notable des courbes de loyers dans les villes encadrées. L'encadrement des loyers ne produit aucun effet sur les loyers et pénalise l'offre locative, tranche l'étude de Clameur.

La capitale a été délibérément écartée de l'analyse, Paris étant considéré comme un marché « trop spécifique et difficilement comparable » aux métropoles régionales.

L'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) affirmait cependant en juin 2025 que l'encadrement a freiné la hausse des loyers parisiens de 8,2 % entre mi-2023 et mi-2024, soit une économie moyenne de 984 € par an pour les locataires. L'étude, qui s'appuie sur les annonces SeLoger plutôt que sur les baux signés, mesure également un effet de modération de 4,4 % dans cinq autres villes encadrées (Lille, Lyon, Villeurbanne, Bordeaux, Montpellier).

Ce constat à Lille et Lyon heurte de plein fouet le consensus parlementaire de septembre 2025. Les députés Annaïg Le Meur (EPR) et Iñaki Echaniz (PS) venaient de préconiser la pérennisation du dispositif, rappelant que son objectif n'était « pas de faire baisser les loyers » mais « d'éviter les loyers excessifs ». L'enjeu dépasse cependant le débat technique, puisque 72 collectivités expérimentent la mesure jusqu'en novembre 2026, et son avenir dépendra d'un rapport national attendu en mai. Il faut cependant garder à l'esprit que sur dix ans, les loyers ont progressé de 16 %, contre 24,7 % d'inflation. Une hausse contenue... mais l'encadrement y a-t-il contribué ?

Lyon et Lille au cœur de la controverse

Lille a ouvert le bal en adoptant le dispositif en mars 2020, Lyon et Villeurbanne ont suivi en novembre 2021. Le principe est que chaque quartier se voit attribuer un loyer de référence, calculé d'après les prix médians constatés. Le propriétaire peut facturer jusqu'au « loyer de référence majoré » (20 % au-dessus du loyer médian), sauf à justifier des caractéristiques exceptionnelles via un complément de loyer. Sur le papier, un garde-fou contre les dérives tarifaires.

Or, début septembre 2025, la Fondation pour le logement des défavorisés pointait du doigt près d'une annonce sur trois dépassant les plafonds autorisés dans les communes encadrées. Un taux de contournement qui jette le trouble sur l'efficacité réelle du dispositif. « L'encadrement des loyers conduit à une modération réelle », défend pourtant Christophe Robert, délégué général de la Fondation, malgré ces dépassements massifs.

L'observatoire Clameur balaie l'argument, car sa base de données afficherait un taux de respect des règles bien supérieur. Autrement dit : même quand les propriétaires joueraient le jeu, les courbes de prix ne semblent pas fléchir. Lyon et Lille servaient de laboratoires pour l'extension nationale. L'expérience tournerait-elle au fiasco ?

Rennes, ville témoin sans encadrement : des loyers en forte hausse

Aux côtés de Toulouse, Rennes figure dans le « groupe de contrôle », ces villes sans encadrement qui servent d'étalon pour mesurer l'effet réel du dispositif. Un statut paradoxal puisque, classée en zone tendue A depuis juillet 2024, la métropole ne fait pourtant pas partie des 72 collectivités expérimentatrices, malgré la volonté de ses élus de mettre en place le dispositif. Résultat : un marché qui évolue librement, sans autre frein que la loi de l'offre et de la demande.

Selon l'étude LocService publiée en avril 2025, le loyer moyen a bondi de 7,25 % en un an, atteignant 19,37 € par mètre carré charges comprises. Pour comparaison, la moyenne provinciale n'a progressé que de 3,7 % sur la même période.

« Le marché immobilier rennais est en difficulté et cela se voit dans nos chiffres. Il s’agit tout simplement de la seconde grande ville française ayant le marché locatif le plus tendu, après Lyon, ce qui entraîne une hausse des loyers, une baisse de la surface moyenne louée et une chute des déménagements. Il n’y a guère plus que les étudiants, contraints par leur parcours, qui changent de logement à Rennes. C’est ce qui explique pourquoi l’essentiel des biens ayant changé de locataire sur les 12 derniers mois sont des petites surfaces dans les quartiers étudiants. D’ailleurs, près de 1 500 propriétaires bailleurs utilisent régulièrement nos services pour trouver gratuitement leur locataire à Rennes.»

Ivan Thiébaut, analyste LocService.fr

Avec 63 % de locataires et 68 000 étudiants, la demande dépasse largement l'offre disponible. Les studios et T1 à Rennes, prisés des étudiants, représentent 43 % des locations de la ville et affichent un loyer moyen de 492 €.

Le paradoxe saute aux yeux : Rennes, qui n'applique pas l'encadrement, connaît une inflation locative plus virulente que Lyon ou Lille sous régulation. La maire Nathalie Appéré a exprimé son souhait d'obtenir le dispositif, mais aucune candidature officielle n'a été déposée depuis le classement en zone tendue.

Si le mécanisme était pérennisé en 2026, Rennes pourrait rejoindre les nouvelles communes éligibles. Mais l'étude Clameur lui aurait-elle épargné ces 7 % de hausse ? Le débat reste ouvert.

Un débat qui dépasse les chiffres

Comme nous l'avons mentionné plus haut, le rapport parlementaire rappelle que l'intérêt de l'encadrement est d'éviter l'explosion des loyers. Une nuance de taille qui transforme le critère de réussite : faut-il juger l'encadrement sur sa capacité à inverser les courbes ou simplement à ralentir leur pente ?

Clameur ne s'embarrasse pas de subtilités. Pour l'observatoire, la régulation est « contre-productive pour l'offre locative » : en bridant les rendements, elle découragerait les propriétaires de mettre leurs biens sur le marché. Un cercle vicieux où la protection des locataires tarirait paradoxalement le nombre de logements disponibles.

Manuel Domergue, directeur des études de Fondation pour le Logement des défavorisés, salue le rapport parlementaire comme « très attendu car bipartisan » et y voit une belle victoire pour les locataires confrontés à des loyers indécents .

Quid de la fin de l'encadrement en novembre 2026 ?

L'expérimentation de l'encadrement des loyers prend officiellement fin en novembre 2026, et le destin du dispositif se joue dans les prochains mois. Un rapport d'évaluation national, piloté par le ministère du Logement, doit être remis au Parlement en mai 2026. Ce document pèsera lourd dans la balance législative.

En attendant, les députés Le Meur et Echaniz fourbissent leur proposition de loi autour de plusieurs axes : pérennisation définitive du mécanisme, ouverture à toutes les communes volontaires situées en zone tendue ainsi qu'à leurs voisines, encadrement strict des compléments de loyer (actuellement « partie la plus floue du dispositif »), et doublement des sanctions : 10 000 € pour les particuliers, 30 000 € pour les personnes morales. Dernière carotte : le transfert du produit des amendes aux communes pour les inciter à récupérer la compétence de contrôle.

Le calendrier législatif demeure incertain. Entre études contradictoires, rapports parlementaires et pression des lobbies immobiliers, le débat promet d'être houleux.

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