Pénurie de matières premières : comment le marché immobilier Rennais fait-il face ?
SOMMAIRE
- Pénurie de matières premières en Europe
- Une demande de matériaux trop importante aux États-Unis et en Chine
- Des pénuries entraînant des dépassements de prévisions financières
- Des retards importants
- Une pénurie humaine s’ajoute à la pénurie de matériaux
- Des craintes dues à la REP et à la RE2020
- Les solutions mises en place pour faire face à la pénurie de matières premières
- Des mesures prises dans l’urgence
- Des solutions recherchées par Matignon
- Répercussion directe sur les devis des clients
- Un niveau d’activité d’avant-crise
- Un certain optimisme en dépit de la crise
Une importante pénurie de matières premières frappe l’industrie du bâtiment, et entraîne des répercussions sur l’immobilier neuf à Rennes. En effet, la crise sanitaire a fortement impacté l’activité économique mondiale, et notamment le secteur de la construction. La reprise économique de la Chine et des États-Unis, qui a eu lieu plus tôt qu’en Europe, a accéléré la construction d’immobilier neuf dans ces deux pays. La majeure partie des matières premières européennes leur a donc été vendue, ralentissant le secteur de la construction en France. Explication de cette pénurie et de ses répercussions, et tour d’horizon des mesures prises en France pour y faire face.
Pénurie de matières premières en Europe
En Europe, le secteur du bâtiment fait face à un manque de matières premières , notamment en raison d’une demande accrue des États-Unis et de la Chine, qui monopolisaient les ressources. Les retombées sont importantes pour l’industrie du bâtiment en France, causant des retards de chantiers et des dépassements de prévisions financières. Cette pénurie, et les retards qu’elle implique, tend à accélérer les départs à la retraite d’ouvriers qualifiés. Les acteurs de la filière sont particulièrement anxieux, à l'heure ou la mise en place de la RE2020 alourdit encore le cout des constructions.
Une demande de matériaux trop importante aux États-Unis et en Chine
La pénurie de matériaux que connaît actuellement le secteur du bâtiment en France trouve son origine avec la crise sanitaire Covid-19. Celle-ci, et les confinements qu’elle a engendrés, a fortement ralenti l’activité économique internationale. La relance économique a bien eu lieu, mais elle s’est faite plus tôt dans certains pays, comme la Chine et les États-Unis. Le secteur du bâtiment a repris de plus belle dans ces deux pays, qui se sont approvisionnés en grande partie en Europe.
En parallèle, la Russie, un des principaux exportateurs de bois européen, a fermé les vannes d’exportation de son “or vert” durant la crise sanitaire.
De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis, en conflit commercial avec le Canada, ont fait le choix de s’approvisionner en bois européen. En Asie, la Chine a pris la décision de protéger ses forêts pendant 99 ans en interdisant la récolte du chêne. Le pays fait donc recours aux importations européennes pour ses besoins de production, entraînant la raréfaction de cette ressource en Europe.
Mais du côté de la France, les acteurs du bâtiment ont été forcés d’importer du bois au prix fort. Les retombées économiques sont importantes.
Des pénuries entraînant des dépassements de prévisions financières
Cette hausse de la demande internationale a entraîné une flambée des prix des matières premières en Europe, et notamment en France. Comme le relaie un sondage commandé par le Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA) publié le 4 janvier 2022, près de 80% des appels d’offres lancés par des architectes auprès de diverses entreprises dépassent les prévisions financières. Cette hausse des prix serait liée à la fois à la crise des matériaux et à la “surchauffe” de l’industrie du bâtiment selon les architectes interrogés.
Cette augmentation des prix, qui est de l’ordre de 130% pour le bois, est lourde de conséquences pour les acteurs de la filière, notamment auprès des maîtres d’œuvres. Les devis ayant déjà été signés, il n'est pas possible d’augmenter les prix auprès des clients afin de compenser. Certains tentent donc d’adapter leurs projets pour réduire les coûts. Mais souvent, d’importants retards frappent les chantiers. Les difficultés d’approvisionnement se seraient d’ailleurs accrues entre juillet 2021, où 53% des entreprises constataient des retards d’approvisionnement, et décembre 2021, où 60% d’entre elles faisaient ce constat.
Des retards importants
Cette situation de pénurie entraîne de nombreux retards dans la livraison de programmes immobiliers neufs. Certaines entreprises du bâtiment ne pouvant pas assumer la hausse des prix des matériaux se sont retrouvées dans l’obligation de mettre leurs projets en pause, voire, dans le pire des cas, de les abandonner. Ainsi, d’après le sondage de la CNOA, 55% des architectes affirmaient en janvier 2022 que leurs chantiers avaient 10% à 30% de retard par rapport aux délais prévus. Plus grave encore, 20% d’entre eux affirmaient avoir plus de 30% de retard par rapport aux délais prévus, ou que leurs chantiers étaient à l’arrêt.
Pour favoriser la reprise du secteur du bâtiment, l’État a émis une circulaire en juin 2021. Celle-ci exempte les entreprises du bâtiment de pénalités en cas de retard de livraison dû à la pénurie de matières premières sur les marchés publics. La Fédération Française du Bâtiment a demandé à ce que ces pénalités de retard soient également suspendues plusieurs mois dans le secteur privé, sans succès. Ces retards causent ainsi des pertes de revenu importantes pour les acteurs du bâtiment.
Une pénurie humaine s’ajoute à la pénurie de matériaux
Une pénurie de main d’œuvre qualifiée s’ajoute à la pénurie de matières premières pour le secteur du bâtiment. L'augmentation du coût des matières premières baisse le chiffre d’affaires des entreprises, et incite leurs dirigeants à ne plus accepter de nouveau chantier. Le confinement a également eu un impact négatif sur le recrutement, celui-ci ayant empêché des stages professionnels et des stages de fin d’étude. Il a, de même, bloqué l’afflux de main d’œuvre venant de l’étranger.
Certains chefs d’entreprises confient également que beaucoup d’anciens du bâtiment sont partis à la retraite depuis la crise de 2008 et la crise sanitaire. Certains se retrouvent donc à travailler avec des personnes parfois peu qualifiées, ce qui impacte également les retards de livraison.
Des craintes dues à la REP et à la RE2020
Une pression supplémentaire s’ajoute à cette situation de pénurie dans le secteur du bâtiment : celle des nouvelles normes environnementales.
D’une part, le dispositif de défiscalisation Pinel va disparaître progressivement et à cohabiter avec le nouveau dispositif Pinel + qui imposera l’achat d’un appartement construit selon le jalon 2025 de la RE2020. Des nouvelles normes bien plus contraignantes que la RT 2012 exigeront l’utilisation de matériaux aux coûts toujours plus élevés.
D’autre part, le dispositif de Responsabilité Élargie du Producteur a été mis en place dans le secteur du bâtiment au 1er janvier 2022. Celui-ci exige que les déchets de construction “soient repris sans frais lorsqu’ils font l’objet d’une collecte séparée”, en vue de réduire les dépôts sauvages et la saturation des décharges. Cela représente un coût non négligeable pour les constructeurs, notamment dans le contexte actuel.
Les solutions mises en place pour faire face à la pénurie de matières premières
Plusieurs mesures ont été prises dans le secteur du bâtiment afin de faire face à cette crise. Dans un premier temps, certaines ont été actées dans l’urgence par les acteurs de la filière. Ces derniers, conscients de la flambée des prix, répercutent maintenant cette augmentation sur leurs devis.
Le gouvernement a également agi afin de pallier aux difficultés d’approvisionnement des constructeurs. Les professionnels du bâtiment profitent maintenant d’un regain de dynamisme du secteur, pour lequel la demande augmente fortement grâce à la mise en place de plusieurs dispositifs par le gouvernement. Le coût des matières premières ne devrait pas diminuer immédiatement, mais les acteurs du bâtiment restent confiants dans l’avenir.
Des mesures prises dans l’urgence
En début d’année 2021, face aux débuts de la crise, les distributeurs de matières premières avaient constitué un stock important de ressources afin de créer “un effet amortisseur”. Celui-ci s’est néanmoins épuisé rapidement, et les prix se sont envolés en conséquence.
Les négociants se sont ensuite adaptés au mieux afin de pallier aux difficultés d’approvisionnement. Cependant, les problèmes de disponibilités ont fait augmenter les prix de manière mécanique, et inflationniste. Étant donné que les artisans établissent leurs prix sur l’année et que beaucoup de devis étaient déjà signés, 55% des entreprises artisanales n’ont pas répercuté la hausse des prix sur leurs clients. Lorsqu’elles l’ont fait, elles n’ont répercuté que l’équivalent du tiers de l’augmentation. De nombreux artisans ont donc rogné sur leurs marges.
Des constructeurs se sont retrouvés dans l’obligation de mettre leurs chantiers en pause, et de prendre du retard sur leurs ouvrages. 72% des constructeurs bretons ont donc fait appel au levier de l’allongement des délais de livraison. Mais d’autres leviers existent désormais.
Des solutions recherchées par Matignon
Le gouvernement a affiché son implication face à la crise du bâtiment dans une publication parue au Journal Officiel ce 25 janvier 2022. Dans ce billet, Bercy affirme qu’une force d’intervention a été mise en place par les industriels sylvicoles dès l’été 2021 afin de sécuriser les approvisionnements en bois. Celle-ci se réunit de manière hebdomadaire afin de réduire les conséquences immédiates du manque de bois, et pour améliorer, à moyen terme, la résilience de l’industrie française.
Le ministère de l’Économie a également agi à l’échelle de la région, en demandant aux plateformes d’achats publics d’utiliser les outils dont elles disposaient pour alléger l’effet des tensions sur les constructeurs. Elles étaient notamment incitées à allonger les délais de livraison, ou à renoncer à infliger des pénalités de retard.
Matignon a également demandé à l’Office national des forêts à ce que les contrats d’approvisionnement soient développés “au maximum” avec les scieries françaises. Cette demande vise à ce que le bois français ne soit plus soumis aux spéculations des traders, et donc envoyé à l’international. Afin d’assurer la pérennité de la filière bois en France, le gouvernement tend vers une industrialisation du tissu productif. Des centaines de millions d’euros débloqués par France Relance et France 2030 ont été alloués à deux appels à projets afin de soutenir sa consolidation.
Répercussion directe sur les devis des clients
Maintenant que la crise du bâtiment a bien été identifiée par les acteurs du bâtiment, ces derniers disposent d’un levier relativement simple pour contrer la hausse du prix des ressources. Celui-ci consiste tout simplement à répercuter l’augmentation des prix sur les nouveaux devis. Parmi les constructeurs bretons, environ 82% des dirigeants du secteur du bâtiment et 91% de l’industrie auraient ainsi répercuté l’augmentation du coût des matières premières sur le devis de leurs clients.
Les dirigeants de l’industrie du bâtiment se mobilisent aussi maintenant afin d’augmenter leurs stocks de matières premières. Près de 74% d’entre eux projettent ainsi d’accroître leurs stocks afin de parer à d’éventuels arrêts de production. Ils profitent également d’un marché favorable, qui les dispose à mieux se couvrir.
Un niveau d’activité d’avant-crise
Le secteur du bâtiment a retrouvé son niveau d’avant-crise, selon un article du Figaro publié en novembre 2021. Au troisième trimestre de l’année précédente, l’activité des artisans aurait augmenté de 4% en un an, et de 2,2% sur deux ans selon la CAPEB.
La branche la plus dynamique est celle de la rénovation énergétique des logements (+5,5%), dynamisée par le dispositif MaPrimeRénov’. Le secteur de la construction neuve connaît néanmoins un léger retard (+2,5%), dû à la baisse des mises en chantiers observée à la fin de l’année 2020.
Le secrétaire général de la CAPEB s'est également montré enthousiaste face aux embauches faites en 2021. Environ 26 000 embauches auraient été effectuées dans le secteur de l’artisanat du bâtiment contre les 18 000 faites en 2020. Il faut néanmoins relativiser ces chiffres, car 70% des entreprises du bâtiment déclarent avoir des difficultés à recruter.
Un certain optimisme en dépit de la crise
Les difficultés en approvisionnement de matières premières devraient perdurer selon l’INOHA, l’Association Professionnelle des Industriels du Nouvel Habitat. Celle-ci estime que la pénurie à proprement parler est terminée, mais que les prix devraient continuer à augmenter avec l’inflation. Cette hausse des prix serait notamment due à la hausse des prix de l’énergie, nécessaire pour la transformation des matières premières comme le bois, le verre ou encore l’aluminium. 74% des adhérents de l’association estiment toujours souffrir du manque de disponibilité des matières premières. L'INOHA ne voit pourtant pas d’amélioration de la situation pour les 3 à 4 mois à venir.
Cependant, l’AIMCC (Association des Industries de Produits de Construction) affiche un certain optimisme en regard du bilan de l’année 2021. 75% des adhérents estiment notamment avoir “dépassé les niveaux d’avant crise avec des hausses d’activités d’au moins 1%”. Les adhérents prévoient un ralentissement de l’activité en 2022, qui devrait néanmoins continuer à augmenter, de manière moins importante. 90% des adhérents prévoient une stabilisation ou une hausse de leur activité, et se montrent optimiste pour l’année à venir. Près de 70% d’entre eux souhaitent ainsi stabiliser leurs embauches, et 28% pensent recruter.
Commentaires à propos de cet article :
Ajouter un commentaire